Frontex

Publié(e) décembre 15th, 2020 - écrit par: Chris Jones et Jane Kilpatrick, Statewatch

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Brutales. Cruelles. Inhumaines. Ce ne sont là que quelques-unes des étiquettes qui ont été appliquées aux politiques de migration et de contrôle des frontières de l’UE au fil des ans. Néanmoins, elles n’ont guère empêché les législateurs d’introduire de nouvelles formes de surveillance, de contrôle et de refus d’accès au territoire européen pour les personnes en déplacement.

La création de l’agence européenne de gestion des frontières Frontex en mai 2005 a donné à l’UE et à ses États membres un nouveau moyen de faire appliquer ces politiques. Quinze ans plus tard, Frontex a vu ses attributions, ses pouvoirs et son budget étendus à de multiples reprises. Dans les années à venir, elle jouera un rôle de plus en plus important dans la protection de la « forteresse Europe », dont les murs − tant physiques que numériques − longent désormais les frontières de l’Europe sur son territoire et s’étendent à des pays situés à des milliers de kilomètres.

Une agence en expansion

Frontex intervient dans de nombreux aspects du régime de migration et de contrôle des frontières de l’UE, allant de l’analyse des risques à la surveillance des frontières et aux expulsions, et ses opérations se sont considérablement développées depuis 2005. Lorsque l’agence a commencé à fonctionner, elle comptait 43 employés et disposait d’un budget de 6 millions d’euros. En 2020, elle employait 700 personnes et disposait d’un budget de 420 millions d’euros.

En 2021, Frontex espère presque tripler ses effectifs.[1] Pour la première fois, l’agence disposera de ses propres gardes-frontières, qui seront déployés aux frontières de l’Union européenne. L’autonomie de l’agence s’en trouvera considérablement accrue, car elle sera moins tributaire des agents fournis par les États membres. Une augmentation significative du budget est également prévue, avec 22,6 milliards d’euros affectés à la « migration et à la gestion des frontières » entre 2021 et 2027[2], dont plusieurs centaines de millions d’euros iront à Frontex chaque année[3]. Le rôle de l’agence dans le régime frontalier de l’UE ne fera que s’accroître dans les années à venir, et les frontières de l’UE devraient se développer en parallèle.

Externalisation : mesures de contrôle dans les pays tiers

Les États membres de l’UE cherchent depuis longtemps à coopérer avec les « pays tiers » pour prévenir les arrivées irrégulières ou indésirables. Frontex participe à un certain nombre de ces accords et mène également ses propres activités.

L’agence a signé plus de deux douzaines d’accords de travail avec des États non-membres de l’UE, des organismes régionaux et des organisations internationales, permettant une coopération en matière de formation, de partage d’informations, d’opérations conjointes et d’assistance dans la mise en œuvre de stratégies et de technologies de contrôle des frontières.

Elle coopère également avec des États avec lesquels elle n’a pas d’accords de travail formels, par exemple par l’intermédiaire de la Communauté de renseignement Afrique-Frontex (AFIC) et du projet « EU4BorderSecurity » en Afrique du Nord et au Levant.

Plus près de nous, l’agence est en train de s’implanter en Albanie et au Monténégro, avec lesquels l’UE a signé des accords permettant aux fonctionnaires de Frontex de participer aux tâches de contrôle et de surveillance des frontières. Les Balkans sont considérés par l’UE comme une zone tampon essentielle dans ses efforts pour empêcher les arrivées, et des accords similaires avec des États tels que la Serbie, la Macédoine du Nord et le Kosovo sont en préparation. Des informations sont également échangées régulièrement par l’intermédiaire du réseau d’analyse des risques de Frontex pour les Balkans occidentaux, qui existe depuis longtemps. D’autres réseaux de ce type couvrent les frontières de l’Europe de l’Est, la Turquie et les États participant à l’AFIC.

Le déploiement d’« officier.ères de liaison » est un autre outil à la disposition de l’agence. Plus de 500 de ces agent.es sont actuellement déployé.es par les autorités des États membres de l’UE, qui les utilisent pour recueillir des informations et des renseignements sur les mouvements migratoires, et dans certains cas pour établir le profil des voyageurs en partance considérés comme « à risque ». Les officier.ières de liaison de l’agence sont prévu.es pour contribuer à ce travail, et Frontex n’hésite pas à les utiliser : ils doivent « aider les réseaux locaux et régionaux d’officier.ières de liaison à réduire les flux migratoires vers l’UE »[4]. La législation de 2019 dispense de l’obligation de déployer des officier.ières de liaison uniquement dans les pays où « les pratiques de gestion des frontières sont conformes aux normes minimales en matière de droits de l’homme », et Frontex a récemment déployé ses propres officier.ières en Turquie, en Serbie, au Niger et au Sénégal, d’autres seront déployé.es dans les années à venir.

Ces États et d’autres États non-membres de l’UE sont considérés comme faisant partie de l’« espace pré-frontière », censé englober tout ce qui, au-delà des frontières de l’UE, est pertinent pour le travail de Frontex. Les informations sur la « pré-frontière » sont recueillies par les États membres, Frontex et d’autres agences de l’UE telles que l’Agence européenne pour la sécurité maritime et le Centre satellitaire européen. Pour ce faire, ils utilisent des avions, des drones, des navires, des images satellites, des bulletins météorologiques, des médias sociaux, des rapports d’opérations et bien d’autres choses encore, les données étant introduites dans le système européen de surveillance des frontières (EUROSUR).

D’abord présentées comme un moyen de sauver des vies en mer, mais aujourd’hui principalement promues comme un moyen de « lutte contre l’immigration illégale et la criminalité transfrontalière »[5], les données alimentant EUROSUR sont utilisées, entre autres, à des fins d’analyse des risques. L’analyse des risques est « le point de départ de toutes les activités de Frontex », affirme l’agence, « depuis la prise de décision stratégique de haut niveau jusqu’à la planification et la mise en œuvre des activités opérationnelles ». Les données d’EUROSUR sont combinées avec un ensemble d’autres sources pour produire des évaluations destinées à influencer les décideurs européens et nationaux. De cette manière, l’agence cultive « un soutien politique pour des frontières encore plus dures », que ce soit dans les pays tiers ou aux frontières de l’UE elle-même.

Mesures de contrôle des frontières

Les tâches entreprises dans le cadre des opérations de contrôle aux frontières de Frontex vont de la surveillance des frontières à l’inspection des documents, en passant par l’interrogatoire des personnes arrivant sur le territoire de l’UE par des moyens irréguliers et les opérations de recherche et de sauvetage. Les actions de Frontex aux frontières extérieures de l’UE se sont souvent révélées controversées. L’agence a longtemps été accusée de participer à des opérations de refoulement, par lesquelles des personnes en quête de protection se voient refuser par la force − et illégalement − l’accès au territoire d’un État.

En novembre 2020, le dernier en date d’une longue série de rapports de ce type est paru dans les médias et, outre les dénégations habituelles, a suscité d’autres actions de la part de Frontex. Un « groupe de travail sur les droits fondamentaux et les aspects juridiques et opérationnels des opérations » a été mis en place par le conseil d’administration de l’agence et doit rendre son rapport en janvier 2021, mais il est loin de l’enquête indépendante demandée par les organisations des droits de l’homme et d’autres sources critiques. Le groupe de travail met à l’écart le bureau des droits fondamentaux de Frontex, qui est censé être responsable de ces enquêtes.Le bureau fait actuellement l’objet d’une enquête du Médiateur européen, dans un contexte de doutes sur son indépendance et son efficacité.

D’autres méthodes pour empêcher les personnes d’entrer dans l’UE reposent sur l’externalisation de la force physique. En 2016, Frontex a commencé à former les « garde-côtes libyens », en coopération avec la mission militaire de l’UE en Méditerranée contre les passeurs de migrants. Le fait que « certain.es membres des autorités locales libyennes soient impliqué.es dans des activités de contrebande » n’a pas empêché l’UE et ses États membres − en particulier l’Italie − de renforcer la capacité des garde-côtes à « faire reculer » les personnes cherchant à fuir cet État déchiré par la guerre, ou à les empêcher de partir. Cette approche s’inspire de tactiques similaires utilisées au large des côtes du Sénégal et de la Mauritanie dans le cadre de l’opération Hera.

Parallèlement à la formation, le partage d’informations est utilisé pour aider les autorités libyennes. La surveillance de la Méditerranée par des avions, des bateaux, des drones et d’autres moyens − informations qui sont traitées via EUROSUR − permettent d’informer les garde-côtes libyen.nes de la localisation des bateaux en détresse.

Les critiques font valoir que cette forme d’assistance viole le droit international ; l’UE affirme le contraire. Une affaire en instance devant la Cour européenne des droits de l’homme devrait permettre de clarifier la question, mais elle ne sera pas entendue avant un certain temps.

Les accusations de complicité de comportement illégal ont augmenté avec l’ampleur et la portée des opérations de l’agence. La première d’entre elles est l’opération Hera, lancée dans l’Atlantique en 2006 en réponse à la forte augmentation du nombre de personnes arrivant aux îles Canaries par la mer en provenance d’Afrique occidentale. Depuis lors, des opérations conjointes coordonnées par l’agence ont été accueillies par l’Italie, la Grèce, la Hongrie et la Croatie. L’agence est également active aux frontières terrestres de la Grèce avec l’Albanie et la Macédoine, mais un manque de transparence rend difficile l’établissement d’une liste exhaustive des déploiements.

Les nouveaux pouvoirs accordés à l’agence ces dernières années lui permettront d’assumer un rôle plus proactif dans le lancement et la coordination des opérations. Afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des fonctionnaires « prêtés » à l’agence par les États membres, elle a été habilitée à créer un corps permanent de 10 000 gardes-frontières. Les fonctionnaires de ce corps seront déployé.es dans une série d’« équipes », qui aideront les autorités nationales à gérer les frontières, les expulsions et les migrations.

Dans la plupart des cas, les opérations seront lancées à la demande d’un État membre, mais Frontex est désormais également en mesure de proposer des opérations aux États membres sur la base de ses analyses de risques. Si les autorités nationales refusent l’offre, elles doivent en indiquer les raisons ; lorsqu’une « action urgente » est jugée nécessaire, le Conseil de l’UE peut adopter une décision qui obligerait un État membre à accepter un déploiement de l’agence.[6]

Dans le sillage de la « crise migratoire » qui a débuté en 2015, Frontex s’est vu confier un rôle clé dans les « points chauds » notoires de Grèce et d’Italie, en contribuant au contrôle, à l’enregistrement et à l’identification des personnes arrivant sur le territoire de l’UE. Lorsque le corps permanent deviendra opérationnel, Frontex jouera un rôle plus important dans les points chauds existants et à venir, mais avec une nouvelle tournure.

En septembre, la Commission européenne a proposé un nouveau « pacte sur les migrations et l’asile ». Parmi les propositions figurent de nouvelles règles pour le « filtrage » des personnes arrivant irrégulièrement dans l’UE, qui impliqueront des contrôles d’identité, de sécurité et de santé. En vertu de ces règles, le lieu où s’effectue le contrôle ne sera pas considéré comme le territoire de l’UE, ce qui soulève de graves questions quant à l’existence de garanties et de garde-fous juridiques. L’implication de Frontex est susceptible de susciter d’autres préoccupations, étant donné les approches controversées adoptées par le passé pour interroger les personnes, et le manque de transparence entourant ses plans opérationnels et les instructions données aux fonctionnaires.

Ce ne sont pas seulement les personnes arrivant dans l’UE par des moyens irréguliers qui sont confrontées à des mesures de contrôle plus strictes. Les voyageur.euses régulier.ières sont également soumis à des contrôles plus stricts, et Frontex administrera une partie essentielle de ce processus. À partir de 2023, le système européen d’information et d’autorisation de voyage (ETIAS) sera utilisé pour la présélection des voyageur.euses qui n’ont pas besoin de visa pour entrer dans l’espace Schengen ; les personnes devront remplir un questionnaire en ligne et se verront obtenir refuser l’autorisation de voyager. Les personnes voyageant en autocar ou en avion verront leur autorisation vérifiée par la compagnie de transport et pourront se voir refuser le droit de monter à bord, et encore plus celui d’entrer dans l’UE. Frontex sera chargée de gérer la base de données centrale et de définir certains des « indicateurs de risque » qui seront utilisés pour le profilage automatisé des voyageur.euses.

L’agence peut désormais acheter ou louer son propre matériel, ce qui réduit encore sa dépendance vis-à-vis des États membres et constitue une autre raison de l’augmentation du budget de Frontex. En premier lieu, un ensemble de voitures, comme le souligne une vidéo promotionnelle, figurait sur la liste des achats. « Ce n’est qu’un début », explique Fabrice Leggeri, le directeur de l’agence. « Nous aurons des camionnettes qui serviront de bureaux mobiles pour l’enregistrement des migrants en situation irrégulière », entonne M. Leggeri. « Et vous savez ce qui va suivre ? Nous aurons des navires, des avions, des drones et de nombreux autres types d’équipements techniques qui seront déployés aux frontières extérieures ». Tout cela pour « protéger l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice », déclare le directeur de l’agence. Ce qu’il ne mentionne pas dans la vidéo, ce sont certains des achats moins high-tech effectués par Frontex − un certain nombre de contrats ont été récemment signés pour des gaz lacrymogènes, des matraques et des gilets pare-balles.

Dans l’espace Schengen

Alors que Frontex se prépare à la violence aux frontières extérieures, elle consolide également de nouvelles compétences concernant l’action au sein de l’espace Schengen. Au départ, le rôle de l’agence était strictement limité aux activités aux frontières extérieures et avec, ou dans, des États non-membres de l’UE. Ces dernières années, les législateur.euses ont élargi leur mandat pour y inclure certaines activités au sein de l’espace Schengen également, bien que Frontex ait été en avance sur son temps − elle contribue à l’analyse des mouvements migratoires internes depuis 2014 au moins.

Selon les nouvelles règles adoptées par le législateur européen en 2019, l’agence doit alimenter EUROSUR avec les données recueillies dans les points chauds et sur les « mouvements secondaires non autorisés ». Dans le jargon politique de l’UE, les « mouvements secondaires » désignent les voyages effectués sans autorisation, en particulier par les demandeurs de protection intérieure qui sont enregistrés dans un État membre de l’UE mais se rendent dans un autre. Ils constituent depuis longtemps un sujet de préoccupation pour les fonctionnaires, qui ont proposé une série de mesures de sécurité pour y faire face.

L’ajout de nouveaux ensembles de données à EUROSUR semble être la dernière de ces mesures. L’objectif est de contribuer à la surveillance par Frontex de la migration « vers et au sein de l’Union à des fins d’analyse des risques et de connaissance de la situation ». Ceci, à son tour, est destiné à informer l’activité opérationnelle des autorités nationales, par exemple par le biais de contrôles d’identité aux frontières intérieures ou ailleurs sur le territoire, ce qui augmente le risque de profilage ethnique des citoyens et des non-citoyens. Les données peuvent également contribuer à l’extension prolongée des contrôles aux frontières intérieures de Schengen − dont certains, avant les dispositions d’urgence introduites pour tenter d’endiguer la pandémie, étaient déjà illégalement en place depuis bien plus longtemps que la limite supérieure de deux ans.

Expulsion

Le rôle de Frontex dans l’organisation des déportations − désignées par euphémisme « opérations de retour » par les décideurs politiques et les fonctionnaires − au nom des États de l’UE a considérablement augmenté depuis 2005. Les propositions pour le règlement de 2019 incluaient même le pouvoir de coordonner les retours d’un État non-membre de l’UE vers un autre − par exemple, de la Serbie vers l’Afghanistan − et sa suppression du texte final a fortement déçu des États comme la Hongrie et la Pologne, qui ont tendance à être très favorables à une action commune de l’UE lorsqu’elle est prise contre les migrant.es.

En 2006, Frontex a aidé à l’expulsion de huit personnes de l’UE. Près d’une décennie et demie plus tard, elle joue un rôle dans l’éloignement forcé de milliers de personnes chaque année et assume un rôle de plus en plus central dans l’organisation, la coordination et le suivi des opérations d’expulsion. Parmi les ajouts récents à ses pouvoirs figurent la capacité de recueillir les informations qu’un État utilisera pour prendre des décisions de retour, d’aider à identifier les personnes faisant l’objet de ces décisions et d’assurer la liaison avec l’État de destination pour l’obtention de documents de voyage. L’objectif général est de développer un « système intégré de gestion des retours »[7], notamment en comblant ce que l’agence appelle « l’écart entre les procédures d’asile et de retour »[8] − signifiant que la plupart des demandeur.euses d’asile seront débouté.es et que lorsqu’ils le sont, ils ne sont pas expulsé.es assez rapidement.

L’un des objectifs de l’agence est d’expulser 50 000 personnes par an, par le biais de vols charters et réguliers. Tout au long de l’année 2020, Frontex a également renforcé son rôle dans la coordination des retours dits volontaires, augmentant encore son rôle dans la machine à expulser de l’UE. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) joue un rôle majeur dans les opérations de retour volontaire, et sa relation avec le travail prévu par Frontex n’est pas encore claire. Toutefois, les plans sont emblématiques de l’intention de donner à Frontex un rôle plus important dans chaque étape du processus d’éloignement, y compris dans la période qui suit l’expulsion. La capacité à fournir une assistance aux personnes expulsées pendant toutes les phases des opérations est prévue dans le règlement de 2019, bien que ce soutien n’ait pas été la première priorité de l’agence. Un plan d’action sur le soutien post-retour était attendu cet automne,[9] mais il n’a pas encore été mis en œuvre.

Mécanismes de responsabilité

Depuis la création de Frontex, des inquiétudes ont été soulevées quant aux moyens limités dont disposent les individus ou les organisations pour obliger l’agence à rendre compte de ses actions. Des accusations répétées de participation à des violations des droits de l’homme et un manque de transparence ont entraîné des changements : un nombre croissant de dispositions relatives aux droits de l’homme dans la base juridique de l’agence, l’introduction d’un mécanisme de plaintes individuelles et la création d’organes de contrôle, tels que le Forum consultatif sur les droits fondamentaux et le bureau des droits fondamentaux de l’agence elle-même.

Toutefois, les garanties sur papier ne sont utiles que si elles sont appliquées dans la pratique. Le Forum consultatif et le bureau des droits fondamentaux ont tous deux été constamment paralysés par le manque de ressources et l’attitude peu coopérative de l’agence. Le mécanisme de plainte a été amélioré depuis sa création, mais il ne peut toujours pas être considéré comme véritablement indépendant − le directeur de l’agence et les États membres conservent des pouvoirs clés sur le traitement des plaintes. Il est également impossible pour un individu de poursuivre l’agence elle-même en justice, en raison des complexités procédurales de la Cour de justice de l’UE. Ces questions sont cruciales, mais elles ne doivent pas détourner l’attention de la question plus générale de savoir si le régime actuel de l’UE en matière de migration et de frontières − que Frontex a pour mission d’aider à mettre en œuvre − pourra un jour être véritablement conforme aux normes des droits de l’homme.

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Conclusions

Alors que l’année 2020 touche à sa fin, Frontex est sous le feu des projecteurs des organisations de défense des droits de l’homme et des institutions européennes, suite aux dernières accusations d’implication dans des refoulements à la frontière gréco-turque. Toutefois, les atteintes à la réputation n’ont guère contribué à freiner l’expansion de l’agence dans le passé. Avec un nouveau mandat légal étendu et une augmentation budgétaire significative en cours, l’agence frontalière de l’UE est à bien des égards dans une position plus forte que jamais. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce mandat, de nouvelles formes de contrôle, de critique et de remise en question seront nécessaires pour garantir que les politiques frontalières et migratoires de l’UE, ainsi que l’agence chargée de leur mise en œuvre, respectent les droits de l’homme.

Footnotes

  1. Selon https://frontex.europa.eu/faq/key-facts/, le 15 décembre 2015, Frontex engageait 700 employé.es en direct. Selon la régulation 1896/2019, 1,000 nouveaux.elles employé.es dans la « catégorie 1 » seront engagé.es pour le corps permanent et en plus de cela, 400 employé.es rejoindront le corps permanent sur le long terme par détachement des États membres comme « catégorie 2 » (Total: 2,100) : https://www.statewatch.org/analyses/2020/frontex-launches-game-changing-recruitment-drive-for-standing-corps-of-border-guards/.

  2. Voir la rubrique « gestion de migration et frontières » en annexe 1, https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13891-2020-ADD-2/en/pdf.

  3. Selon les rubriques pour « les agences décentralisées » dans la section sur « gestion de migration et frontières », p. 7-8, https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13891-2020-ADD-2/en/pdf.

  4. Document de programmation singulier 2016-19, p. 37.

  5. Régulation 2019/ préambule paragraphe 28.

  6. RÉGULATION 1896/2019, article 37-42 et « Situations nécessitant une action urgente – droit d’intervention ? », https://eulawanalysis.blogspot.com/2016/10/establishing-european-border-and-coast.html.

  7. Selon une fois dans la régulation de 2016, cette phrase apparaît quatre fois dans le texte de 2019.

  8. « Frontex Document de Programmation 2020-2022 », contenu dans le document du conseil 5117/20, le 9 janvier 2020.

  9. « Feuille de route - pour implémenter la nouveau régulation Frontex : à toute vapeur », Statewatch News, le 25 novembre 2019, http://www.statewatch.org/news/2019/nov/eu-frontex-roadmap.htm.

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