Algérie

Publié(e) novembre 20th, 2020 - écrit par: Sofian Philip Naceur

Données de base et caractéristiques du pays

Avec une ligne côtière méditerranéenne d’environ 1000 km, une distance frontalière de plus de 6700 km et une superficie de 2,4 millions de km2, l’Algérie représente le plus grand pays de l’Afrique. Les pays frontaliers de l’Algérie sont à l’Ouest le Maroc et le Sahara occidental, au Sud le Mali, la Mauritanie et le Niger, à l’Est la Libye et la Tunisie. Le territoire étant largement couvert par une région désertique au climat aride, seuls 17 pourcents de la superficie sont voués à l’agriculture. Pour la même raison, environ 90 pourcents de la population (42 millions en 2019) vit sur la région côtière au Nord du pays.

La population est communément divisée en deux populations ethniques : les arabes qui représentent trois quarts des habitants et les berbères aussi appelé.es amazigh, représentant environ un quart des habitants, qui se regroupent surtout dans la région de la Kabylie à l’Est du pays. Environ 99 pourcents de la population est de confession musulmane, plus spécifiquement de la branche sunnite. Le pays est aussi traversé dans la région du Sud, couverte par le désert du Sahara, par des populations nomades comme les Touaregs. Les langues officielles et de commerce sont l’arabe, le français et l’amazigh (surtout parlé par les Berbères). L’Algérie a une population jeune. En effet, environ 45 pourcents des habitant.es sont âgé.es de moins de trente ans. La croissance démographique était en 2018 perçue à 1,6 pourcents. La plupart des personnes étrangères, arrivées de tout le continent africain, n’étant pas recensées par les autorités algériennes, il n’existe pas de données officielles concernant leur chiffre exact. Comparativement, le nombre de migrant.es de travail enregistré est assez bas, parmi eux environ 60 pourcents sont originaires de Chine, de Turquie et d’Égypte.

Economie et gouvernement

Le plus gros des produits d’exportation algérienne est constitué par les olives et les dattes. À cause de la faiblesse structurelle du pays dans les secteurs industriel et agraire, la majorité des produits alimentaires, mais aussi des biens de consommation doivent être importés. En opposition à cette dépendance, l’Algérie est riche en matières premières et en ressources naturelles : l’export du pétrole et du gaz naturel représentent environ 60 pourcents du budget étatique ainsi que 98 pourcents des recettes de devises, de plus on y trouve de nombreuses mines d’or, de fer, de phosphate, de tungstène et de diamant. La compagnie gouvernementale de pétrole et de gaz Sonatrach jouit, grâce à cette performance économique, d’une grande influence sur les revenus de l’État.

En tant que pays immergé dans la rente pétrolière, l’Algérie est massivement dépendante du prix du marché global des hydrocarbures. Lorsque les prix du pétrole sont en hausse (comme en 2013 et 2014), le pays est en capacité de verser des rentes de pétroles, d’augmenter les subventions et de maximiser le régime de prestations sociales comme par exemple la construction de logements, la fortification des infrastructures, un système d’éducation et de santé à des prix avantageux ou même gratuit. En revanche, lors du recul du prix des ressources fossiles (comme à partir des années 1980 et depuis 2015), le gouvernement se voit dans l’obligation d’adapter sa politique sociale, de restreindre son soutien financier et d’augmenter le taux d’imposition. Un fléchissement des rentes pétrolières corrèle donc toujours avec une situation de crise économique ou monétaire qui entraîne immanquablement une aggravation du déséquilibre social. La fluctuation des prix se reflète également sur le dinar, la devise nationale algérienne, qui se retrouve en difficulté dès que les recettes tirées de la vente de pétrole s’amoindrissent.

Les imports deviennent alors plus coûteux et les frais de subsistance qui dépendent du cours de change augmentent. Ces conditions socio-économiques précaires ont entrainé dans les années 1980 et depuis 2017 une poussée de mécontentements s’exprimant lors de manifestations et de grèves toujours plus nombreuses. Ce mouvement social demande des réformes du système économique et incarne un combat contre la corruption et la politique d’austérité.

L’Algérie est dirigée par une classe politique ayant la main mise sur la répartition des bénéfices issus de la vente des hydrocarbures. Un fléchissement des rentes des ressources fossiles ne va pas seulement de pair avec des crises économiques et des manifestations, mais renforce notamment les conflits autour des profits au sein même de la classe dirigeante. Cette classe sociale fortement fragmentée représente un réseau opaque constitué par des cadres issu.es de l’appareil militaire, de la défense et de la bureaucratie, de poids-lourds de la politique descendant directement de l’ancien parti du Front de Libération National (FLN) ainsi que de géant.es de l’industrie et des partis de l’opposition cooptés. Ces groupes s’allient autour d’une ligne de fracture idéologique et régionale en fraction et entrent en concours pour l’influence politique et les avantages économiques.

En période économique prospère comme entre 2003 et 2014, l’Algérie approuvait en grands nombres les projets de constructions immobilières, investissait dans la modernisation des infrastructures, accordait des crédits pour le lancement de start-ups fondées par de jeunes entrepreneur.euses et augmentait les subventions pour l’acquisition de denrées alimentaires et de carburants. Bien que la corruption battait son plein au sein de la politique gouvernementale, l’État était en mesure de subvenir aux besoins de la population algérienne et de s’acheter la paix sociale. Depuis que les prix du pétrole et du gaz naturel se sont effondrés en 2014, le budget de l’État s’est vu réduit de moitié ce qui engendra une baisse des conditions économiques et sociales au sein du pays.

Des révoltes populaires de masse exigent depuis février 2019 des réformes politiques et socio-économiques en réponse au déséquilibre social effarant. Ces manifestations se tournent contre la classe politique au pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 et qui a, depuis, perdu en légitimité dans de larges pans de la société.

Mouvements migratoires

L’Algérie joue un rôle proéminent dans les mouvements de migrations entre l’Afrique et l’Europe. En effet, l’Algérie est un pays d’émigration pour de nombreux.ses migrant.es de travail, dont la plupart viennent de l’Afrique de l’Ouest et de la région du Sahel, en particulier du Niger. Ce pays de la région du Maghreb est aussi une importante étape de transit vers l’Europe non seulement pour les migrant.es et réfugié.es africain.es, mais aussi pour les réfugié.es de la péninsule arabique ou de l’Asie mineure comme la Syrie et le Yémen qui migrent vers ou par l’Algérie.

En parallèle, l’Algérie est un pays d’immigration. Presque deux millions d’algérien.nes vivent à l’étranger, la majorité en France. Les transferts d’argents depuis l’étranger vers l’Algérie pour les membres de la famille restés au pays sont pour une partie de la population une source de revenu primordiale en raison du taux de chômage élevé et de l’instabilité des prix des denrées alimentaires et des biens de consommation. En revanche, ces transferts ne prennent pas une réelle importance dans l’économie nationale comme ce peut être le cas pour d’autres pays de la région.

D’après le Haut Commissariat des Nations Unis pour les réfugié.es (HCR), 98 906 réfugié.es reconnu.es par les autorités vivraient sur le territoire algérien (février 2019), dont 90 000 seraient des migrant.es Sahraouis du Sahara occidental. Depuis les années 1960 et 1970 ceux.celles-ci vivent réparti.es dans cinq camps de réfugié.es différents à proximité de la ville de Tindouf au Sud-Ouest de l’Algérie proche de la frontière avec le Sahara occidental et sont presque entièrement dépendant.es d’aides externes surtout dans le secteur de la santé, de l’alimentation, de l’éducation etc. Environ 8.900 personnes, majoritairement en provenance de la Syrie, du Mali, de Palestine et du Yémen ont de plus été enregistrées comme réfugiées en Algérie par le HCR début 2019.

Bien que l’on retrouve de vagues références aux droits internationaux des migrant.es dans la législation algérienne, il n’existe aucun article concernant le droit d’asile pour les réfugié.es. Le HCR est de fait le seul interlocuteur pour les personnes concernées afin d’acquérir une certaine sécurité, aide ou même entamer une procédure de relogement. Il était auparavant courant que les autorités algériennes donnent aux migrant.es un titre de séjour lorsque ceux.celles-ci présentaient un formulaire d’identification ou d’authentification de statut préalablement remis par le HCR. Les réfugié.es des pays arabes sont, par rapport à celles et ceux en provenance de pays africains, largement favorisé.es dans ce processus. Le jugement des institutions responsables semble en effet de plus en plus arbitraire envers ces dernier.ères. L’obtention d’un visa et la reconnaissance comme réfugié.es ou migrant.es du travail par le HCR ne semblent pas être garant de sécurité puisque dans la dynamique grandissante des arrestations et expulsions de masse qui se produisent depuis 2014 en Algérie, des expulsions de personnes régularisées ont été enregistrées à plusieurs reprises.

La « Harga » algérienne – migration non régulière vers l’Europe

La côte algérienne devient un point de départ de la migration illégale de plus en plus importante. Les migrant.es partent souvent de l’Algérie sur de petites embarcations de fortune par groupes de maximum 30 personnes en direction de l’Espagne ou de l’Italie. Jusqu’en 2017 de nombreux.ses algérien.nes tentèrent la traversée vers l’Europe, en dépit des coûts plus élevés via la Libye ou en avion vers la Turquie, l’obtention d’un visa y étant moins restrictive pour les algérien.nes pour continuer leur chemin sur la route des Balkans. Cette voie de migration explique pourquoi les algérien.nes représentent une majorité au sein des nombreuses nationalités dans les camps de migrant.es de Bosnie. La Turquie a fini par renforcer les directives concernant les permis de séjour et les visas pour la population algérienne âgée de 18 à 35 ans.

La migration illégale de ressortissant.es algérien.nes aux États-Unis et vers l’Europe commençait déjà dans les années 1990 et ne présente donc pas un phénomène récent. En réponse au coup d’État militaire en Algérie en 1992 et la guerre civile qui s’en suivit, les États de l’Union Européenne instaurèrent un régime de visa, qui poussa de nombreuses personnes à se réfugier sur des bateaux de marchandises ou des navires pétrolier à destination des États-Unis. Ces migrant.es clandestin.es sont également surnommé.es « Harraga » (sing. un Harag) ce qui signifierait en arabe « brûler », ici pour « brûler la frontière ». Après que de plus en plus de migrant.es algérien.nes en situation irrégulière aient été arrêté.es dans les ports américains, les autorités algériennes ont commencé, notamment suite à la pression des États-Unis à intensifier la sécurité et les contrôles dans les ports industriels et pétroliers du pays : des caméras de surveillance furent installées, des grillages et murs érigés, des agents de sécurité furent également engagés. Les ports algériens ont depuis le début des années 2000 la réputation d’être hermétiques.

Depuis l’inaccessibilité des ports, les « Harraga » se concentrent davantage sur l’Europe. Depuis 2004, le nombre de réfugié.es. algérien.nes se mettant en route pour l’Espagne ou l’Italie par la voie de la Méditerranée augmente. La migration se faisait notamment par le Maroc jusqu’à ce que la frontière entre les deux pays soit officiellement fermée.

Jusqu’en 2018, il y eut des essais de passage de l’Algérie vers le continent européen en raison de la proximité avec l’Espagne et l’Italie. Ceux-ci se sont plus particulièrement déroulés tout à l’Ouest du pays autour de la métropole d’Oran (provinces de Oran, Mostaganem, Ain Temouchent et Tlemcen) ainsi que dans la partie Est du pays dans les provinces d’El Tarf, Annaba et Skikda. Depuis 2018, en revanche, on remarque une augmentation de départ de la côte centrale de l’Algérie (provinces de Boumerdes, Tizi Ouzou et Béjaïa). Le parcours (vers les Baléares) y est plus long mais le contrôle côtier systématique dans cette zone de la Méditerranée n’a pas encore été instauré. C’est ainsi que la route de traversée depuis l’Algérie centrale gagne en importance depuis 2019.

Le profil des migrant.es algérien.nes est complexe. Comme la Harga tunisienne, les raisons économiques et sociales comme le taux de chômage élevé et le manque de perspectives chez la jeunesse constituent également des facteurs primaires. Néanmoins d’autres facteurs jouent un rôle important comme des facteurs politiques, familiaux ou même culturels. En effet, les restrictions de l’opinion politique, de la liberté d’expression, une pression familiale et religieuse de la part de la société très conservatrice ainsi qu’un manque éclatant de possibilités d’épanouissement individuel et culturel sont des motifs récurrents décrits par les migrant.es clandestin.es algérien.nes. Le clivage entre le quotidien façonné par la tradition et la religion en Algérie et les envies de construction de modes de vie alternatifs de la jeunesse fait fleurir la Harga. Une raison supplémentaire semble depuis 2015 être aussi la politique d’attribution de visas restrictive des pays de l’Union Européenne envers la population algérienne : la plupart des harragas algériens ont déjà fait la demande d’un visa pour l’espace Schengen, sans succès, avant de migrer de manière illégale.

La crise économique engendrée par la chute des prix du pétrole et l’inflation massive qui en découla a largement accentué la pression socio-économique sur la population. C’est ainsi qu’augmente, depuis 2017, le nombre de réfugié.es algérien.nes partant depuis Oran et Annaba. Le profil de la Harga algérienne a depuis ses débuts également changé : le groupe presque exclusivement constitué de jeunes hommes a été rejoint par un pourcentage de femmes, personnes âgées et de familles complètes grandissant. La difficulté d’acquisition d’emplois pousse également de plus en plus de personnes porteuses d’un diplôme académique à la migration irrégulière.

Migration de transit et migration par et vers l’Algérie

L’Algérie est devenue depuis la fin des années 1990 un pays de transit pour de nombreux.ses migrant.es venant de l’Afrique de l’Ouest et de la région du Sahel. Les routes traversant le désert n’étant que difficilement contrôlables et connues par le passé comme d’importants axes de commerce sont dangereuses, mais permettent d’accéder rapidement et sans être remarqué.e au territoire algérien, d’autant plus que les frontières entre la Mauritanie, le Mali, le Niger et l’Algérie – se situant au cœur du désert – n’ont pas été soumises à des contrôles systématiques. De plus, les transmigrant.es sont souvent dépendant.es de l’aide de trafiquant.es, qui sont souvent des locaux connaissant les routes, les puits pour se ravitailler et la situation locale dans différentes régions frontalières.

Les migrant.es voyageaient par le passé surtout vers Tamanrasset au Sud de l’Algérie, avant de continuer pour de plus grandes villes comme Oran, Alger ou Annaba où ils.elles pouvaient s’immerger dans les bas-fonds du réseau officieux des villes, en particulier pour être embauché.es comme travailleur.euses, journalier.ères, main-d’œuvres bon marché dans le secteur de bâtiment. Pendant longtemps, les réfugié.es de l’Afrique subsaharienne étaient les bienvenu.es dans différents secteurs de l’économie, leur embauche étant plus profitable pour les gérants d’entreprises que l’embauche de main d’œuvre locale. Grâce à ces emplois précaires au sein de l’économie officieuse, les transmigrant.es pouvaient se procurer les moyens nécessaires pour pouvoir continuer leur route vers l’Europe et quittaient le pays après quelques mois seulement ou années pour migrer par la Libye ou le Maroc dans les pays de l’Union Européenne.

Le contrôle aux frontières avec les pays voisins (Maroc, Libye et Tunisie) s’est néanmoins renforcé, ce qui laisse la circulation entre les pays difficiles pour les personnes en situation irrégulière. Ainsi de nombreux.ses migrant.es se sont vu.es bloqué.es en Algérie, forcé.es à rester plus longtemps.

La plupart des migrant.es de travail et transmigrant.es africain.es sont dépourvu.es de permis de séjour, ce qui rend leur situation en Algérie souvent extrêmement précaire. Les détenteurs.trices d’une assurance ou une protection de travailleurs.euses sont rares. S’ajoute le fait que les personnes issues des pays de l’Afrique subsaharienne sont confrontées à un racisme brutal de la part de certaines parties de la population algérienne ainsi qu’à la violence des autorités, contre lesquelles elles ne peuvent pas se protéger. Les incidents incités par le racisme et les agressions physiques et verbales font depuis longtemps partie du quotidien des migrant.es subsaharien.nes mais ont constamment augmenté depuis 2015 à cause du conflit social grandissant. Le gouvernement algérien incite à la haine notamment en attisant les idées reçues et les ressentiments envers les personnes non-arabes. Celui-ci misait tout particulièrement, sous l’ancien président Ahmed Ouyahia (président en fonction entre 2017 et 2019), sur une ligne politique xénophobe sans pareil. C’est avec cette ligne politique nationaliste que le gouvernement algérien a pu justifier la brutalité des autorités envers les migrant.es ainsi que les arrestations et les expulsions de masse. Ce discours populiste a également permis de détourner l’attention du réel problème : l’échec du redressement économique et social.

Projets de l’Union Européenne et intérêts personnels pour le contrôle et la sécurité des frontières

En termes de transferts, de contrôle de frontières et de restriction de la migration clandestine, l’Algérie coopère avec l’Union Européenne et ses pays membres, mais est connue pour être un partenaire compliqué, manipulant les mesures de sécurité frontalière pour servir ses propres intérêts.

Pour empêcher, entre autres, l’infiltration de groupes armés sur le territoire, l’Algérie instaure le long de ses frontières externes un régime de contrôle de frontière à la pointe de la technologie de surveillance. En effet, depuis la fin des années 1990, pendant la guerre civile, et encore aujourd’hui, de nombreux groupements armés et paramilitaires profitaient de la brèche sécuritaire dans le désert au Sud de l’Algérie et au Nord du Mali pour s’y retirer et s’y réfugier.

La politique de gestion des frontières et la coopération sur la politique migratoire avec l’Union Européenne se trouve sous haute tension, prise dans l’étau d’un conflit d’intérêts entre la situation sécuritaire et les activités de groupes armés au Sahel, l’instabilité de la Libye et du Mali ainsi que l’animosité constante avec le Maroc. Ce sont surtout les guerres faisant rage en Libye et au Mali qui jouent un rôle prépondérant dans les intérêts que possède l’Algérie pour la protection de ses frontières extérieures. Un des déclencheurs de ce régime de surveillance strict a été l’attentat mené par une troupe d’extrémistes armés contre une installation de pétrole et de gaz naturel à Amenas en 2013.

La politique de contrôle et de surveillance aux frontières algériennes autant que les procédures répressives d’expulsions contre les migrant.es africain.es en particulier, propulse le transfert des frontières extérieures de l’Union Européenne davantage hors du continent européen. Parallèlement aux intérêts de l’Union Européenne, le gouvernement algérien essaie de faire valoir les siens en militarisant ses frontières et en menant ses propres objectifs de politique sécuritaire et régionale.

Aujourd’hui, l’Algérie bénéficie avec son poids géopolitique et énergétique d’une certaine importance pour les pays membres de l’Union Européenne et n’est en l’occurrence que difficile à mettre sous pression diplomatique par les grandes puissances internationales.

Les exportations de gaz et de pétrole vers l’Europe sont, en raison de la proximité géographique, quasiment devenues incontournables pour l’Union Européenne : l’Italie et l’Espagne sont directement reliées avec le réseau de distribution algérien via trois gazoducs. La particularité économique et industrielle de l’Algérie repose sur la quasi-exclusivité de l’exportation de gaz naturel liquéfié (GLN; “Liquified natural gas”, LNG) et c’est un des seuls pays au monde à posséder une industrie de liquéfaction de gaz naturel. Les États-Unis et l’UE coopèrent par ailleurs étroitement dans le combat contre le terrorisme et le trafic d’armes et de drogues au Sahel. L’export d’armement et de matériel militaire ainsi que d’autres formes de coopération avec l’Algérie ne se font pas uniquement dans le cadre de la politique de défense commune avec L’UE, mais peuvent être replacés dans un contexte complexe de conflits hégémoniques pour une influence politique et une légitimité sur les ressources naturelles de l’Afrique du nord et du Sahel.

La coopération bilatérale entre l’Algérie et l’Union Européenne a surtout été introduite par le passé sous le couvert de la Politique Européenne de Voisinage (PEV) – instrument clé pour le financement de projets de collaboration avec l’Algérie – et par le traité d’association entre les deux partis valables depuis 2005. La lutte contre la migration clandestine est un objectif explicite de la PEV et du traité d’association. L’Algérie profite depuis 2016 de financements issus du fond fiduciaire d’urgence (EUTF) mis à disposition pour l’Afrique en 2015. Il n’existe aucun projet directement prévu avec l’Algérie. Néanmoins, le pays maghrébin participe à six projets dirigés par l’EUTF, parmi lesquels une initiative visant à la protection et à la réinsertion des déplacé.es ainsi qu’à un programme sous la direction de l’Office des Nations Unies contre les drogues et le crime (ONUDC) dans lequel l’Algérie soutient la lutte contre les réseaux criminels impliqués dans la traite de personnes. Ce programme vise, à travers le développement des capacités, à promouvoir les autorités locales qui stoppent la migration clandestine vers l’Europe et luttent contre les trafiquants. De plus, l’ONUDC est à la tête d’un projet pour le renforcement des capacités analytiques de la police criminelle en Algérie et en Tunisie.

Les représentants du gouvernement algérien ont régulièrement participé à des réunions du Groupe de contact Méditerranée Centrale et ont signé la déclaration finale de la rencontre à Bern en 2017. Celle-ci déclare que les pays signataires sont disposés à la mise en place de mesures protégeant les demandeurs.ses d’asile et les migrant.es, à élargir la coopération pour les retours volontaires et à intensifier la lutte contre le trafic d’êtres humains.

L’Office International pour la Migration (OIM) a ouvert en 2016 une antenne à Alger, celle-ci n’a mené qu’à une coopération ponctuelle avec les autorités algériennes. La coopération formelle de l’Algérie avec l’organisation de protection des frontières Frontex reste compliquée. Toutefois la communication informelle entre les deux organisations semble être plus intensive.

Criminalisation de la migration illégale et importance du trafic d’êtres humains

L’immigration clandestine est passible d’amende en Algérie. Il existe, depuis 2008, la loi 08-11 visant exclusivement à la criminalisation des étrangers.ères en situation de migration irrégulière ainsi que ceux.celles-ci n’ayant pas de titre de séjour valable. Lors de la violation des conditions de séjour, l’amende peut s’élever jusqu’à 200 000 Dinars (environ 1500 Euros, Novembre 2019), un emprisonnement de 2 à 5 ans et une interdiction d’entrée jusqu’à 10 ans sur le territoire algérien. La loi remplace le règlement de l’année 1962 et autorise la confiscation de tous les effets personnels utilisés pendant la durée du séjour illégal et rajoute la punition des personnes logeant ou aidant les migrant.es clandestin.es avec une amende allant jusqu’à 20 000 Dinar (150 Euros).

En Février 2009, la loi 09-01 est entrée en vigueur et vaut autant pour les algérien.nes que pour les étranger.ères. Elle désigne comme infraction le passage vers ou de l’Algérie hors des passages de douanes officiels (par voie aérienne, maritime ou terrestre). Cette infraction de la loi peut être punie de deux à six mois d’emprisonnement. Le trafic de personnes ou même les services rendus aux personnes clandestines s’en suivent d’une conséquence pénale pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison. Bien que cette loi s’applique aux Harragas algérien.nes ayant été rattrapé.es, celle-ci n’est que rarement appliquée dans sa totalité. En effet, si on recense une majorité d’algérien.nes sur les bateaux interceptés par les autorités, la justice ferme souvent les yeux et laisse sortir les migrant.es avec une amende d’ordre mineur. Lors d’arrestations récurrentes, les personnes ne sont condamnées qu’à deux mois d’emprisonnement avec sursis.

La Harga est tolérée par le gouvernement pour des raisons de politique intérieure ce qui va complètement à l’inverse de la position que celle-ci incarne face aux autres migrant.es africain.es. Les trafiquant.es évitent même de transporter des réfugié.es africains car ceux.celles-ci risquent d’écoper de peines bien plus élevées ainsi que des plaintes pour traite de personnes s’ils.elles sont intercepté.es avec des réfugié.es étranger.ères c’est à dire non-algérien.nes.

Les passeur.euses opérant en Méditerranée coopèrent individuellement avec les services de sécurité algériens. Des rapports laissent croire que des fonctionnaires corrompu.es laisseraient passer des embarcations vers l’Europe. A contrario, lors de la poursuite de passeur.euses, la justice algérienne formule des verdicts et des sentences plus forts et plus stricts envers les accusé.es. Ceux.celles-ci dirigent leurs opérations surtout depuis Oran ou Annaba. La Harga algérienne n’a en revanche que peu recours à ce moyen et s’organise et embarque plutôt seule. Beaucoup forment de petits groupes pouvant aller jusqu’à 30 personnes afin de pouvoir se partager les coûts de l’achat de bateaux et de moteurs. Lorsqu’un bateau est intercepté par les garde-côtes, les officiers tentent d’identifier la ou les personne(s) qui dirigeai(en)t le bateau et occasionnellement engagent des poursuites contre elle(s).

Coopération sur l’armement et l’équipement militaire et politique sécuritaire au Sahel

L’Algérie a initié en 2005 un ambitieux programme de modernisation de son appareil militaire. Pour réaliser ce projet, le pays a surtout misé sur l’achat d’armement et de matériel militaire mais aussi sur la progression de la production locale et nationale.

Les dépenses militaires se sont hissées depuis à plus de cinq pourcents du PIB (dont le maximum a été atteint en 2016 avec 6,55% du PIB) et atteignent largement plus de dix pourcents des dépenses totales de l’Algérie. Si le but premier du gouvernement était de contrôler les frontières des provinces du Sud du pays contre l’infiltration de milices armées sur le territoire, cette modernisation et armement de l’armée et de la police de même que la construction de structures renforcées aux frontières sont aujourd’hui replacés dans un contexte sécuritaire et diplomatique nouveau étant donné les guerres civiles perdurant en Libye et au Mali ainsi que l’extension des frontières européennes extérieures.

C’est surtout depuis 2011 que l’Algérie a redoublé d’efforts pour restreindre la perméabilité de ses frontières et pour continuer la fermeture progressive mais complète des frontières, ce qui profite clairement à l’Union Européenne. La construction d’un système de surveillance avec la frontière malienne de plus de 50 kilomètres en 2012 et le transfert de commandos militaires spéciaux dans plusieurs provinces frontalières ont été suivis par la mise en place de barrières de sable doublées d’un système de surveillance électronique à la frontière avec la Tunisie et la Libye sur près de 350 kilomètres. La frontière entre l’Algérie et le Maroc est protégée par un grillage d’une longueur de 500 kilomètres, en partie bordé par un fossé rempli d’eau et gardé par une douzaine de postes de surveillance, ce qui la rend pratiquement étanche. L’Algérie a également intensifié les contrôles de frontières en coopération avec la Mauritanie et la Tunisie et a annoncé en 2018 la formation de troupes d’élite au Mali et au Niger. De nouvelles bases de garde-côtes sont actuellement en développement dans les provinces côtières d’Oran et Ain Temouchent qui constituent les points de départ de la migration illégale les plus importants.

L’Algérie équipe parallèlement et sans précédent, depuis 2005, les divisions militaires et policières de son appareil de sécurité : ça et là le gouvernement fait l’acquisition de matériel militaire comme des dragueurs de mines et différents produits venant compléter leur artillerie ou même des armements importés de Chine, de Corée du Sud, d’Italie ou de France. La Russie reste néanmoins le premier fournisseur d’armes de l’Algérie : depuis 2014, des commandes pour un total de 42 hélicoptères de combat, douze jets militaires du type Sukhoi, deux sous-marins et plusieurs centaines de chars d’assaut, dont l’assemblage de 200 d’entre eux doit se dérouler en Algérie, ont été déposées auprès de différentes entreprises russes.

Dans le cadre de la politique d’armement et de hausse sécuritaire, l’Allemagne est devenue le deuxième partenaire le plus important de l’Algérie pour l’équipement primaire ainsi que pour les technologies de surveillance. Déjà en 2008, le président algérien Bouteflika et la chancelière allemande Merkel s’entendaient sur un accord de vente d’armement impliquant une somme de 10 milliards d’euros. Cette affaire comprenait entre autres des frégates (Thyssenkrup, Marine Systems, TKMS), la formation de l’équipage par l’armée allemande et la construction d’un quai naval sur deux des quatre bateaux militaires. Jusqu’en novembre 2019, deux frégates ont été livrées, mais il n’y a eu aucun progrès de fait au niveau de la construction des quais navals.

En outre, le marché incluait la mise en place de site d’assemblage final pour les véhicules blindés (Spürpanzer) du type Fuchs de l’entreprise Rheinmetall de même que plusieurs autres véhicules de la maison Daimler. Les entreprises chargées de la construction sont toutes des co-entreprises dont 51 pourcents des parts appartiennent au ministère de la Défense algérien. Avec la construction de sites de production locaux, l’Algérie espère faire un transfert de technologie dans le but de se rendre moins dépendante des achats d’armement et d’équipement effectués auprès des partenaires de commerce.

Pour la gestion des frontières algériennes, il existe trois importantes usines de montages de l’entreprise Daimler : celles-ci sont chargées de l’assemblage de véhicules de transport Mercedes-Benz du modèle Sprinter, des véhicules tout-terrain de la classe G comme de poids-lourds militaires (Zetros, Actros, Unimog). Ces véhicules sont utilisés par l’armée algérienne, la gendarmerie (elle aussi contrôlée par l’armée), par certaines sections de la police mais aussi dans le secteur public comme par le ministère de l’éducation et de la santé ou même par la compagnie pétrolière Sonatrach.

C’est à Aïn Smara, situé dans l’Algérie de l’Est que se trouve le lieu de production du char de type Fuchs. Depuis 2019, l’entreprise y fait également assembler des chars à usage polyvalent de type Boxer. Alors que le gouvernement allemand autorisait l’export de sous-ensembles pour le char de type Fuchs pour un montant d’un demi-milliard d’euros vers l’Algérie sur toute l’année 2018, le pays livrait seulement pour le mois d’Août 2019 50 sous-ensembles pour le char de type Boxer, toujours vers l’Algérie.

Une coentreprise du Ministère de la Défense algérienne et de la compagnie allemande Hensoldt (anciennement Rohde & Schwartz, Carl Zeiss et Cassidian) produit à Sidi Bel-Abbès en Algérie de l’Ouest des équipements électroniques comme du matériel de surveillance et de balayage ainsi que des dispositifs de veille optroniques comme des caméras infrarouges.

La politique d’expulsion controversée de l’Algérie

Depuis les années 2000, l’Algérie réagit aux efforts d’expulsions de l’Union Européenne par des mesures répressives contre les migrant.es africain.es vivant dans le pays. Un des premiers pays à étroitement collaborer avec l’UE au Maghreb en termes de transfert de frontières fut le Maroc. Déjà, depuis le début des années 2000, le pays arrêtait des réfugié.es africain.es et transmigrant.es en violation de la législation internationale pour les migrant.es et expulsait ceux.celles-ci vers l’Algérie.

Les autorités déposaient entre autres des groupes de personnes parfois en nombre important à la frontière algérienne et les forçaient à traverser la frontière algérienne à pied. L’Algérie s’est plus tard mise à imiter le Maroc et à forcer le passage de migrant.es en état d’arrestation au-delà de la frontière marocaine. C’est ainsi que les deux pays se sont pendant des années renvoyés la balle pendant que les deux pays maghrébins ont respectivement renforcé les passages de frontières utilisés par les réfugié.es surtout dans les régions autour des villes d’Oujda et Maghnja.

Des représentant.es du gouvernement algérien s’exclamaient alors qu’ils.elles ne subiraient pas la politique migratoire restrictive de l’Union Européenne et justifiaient ainsi leurs propres pratiques d’expulsion. L’Algérie poursuit depuis 2014 sa politique d’expulsion à la frontière au Sud du pays. A l’époque, l’Algérie et le Niger avaient signé un traité de rapatriement. Le contenu de cette entente n’est aujourd’hui toujours pas connu du grand public. En Décembre 2014, les autorités algériennes ont commencé à intercepter et arrêter des centaines de migrant.es nigérien.nes pour les conduire par convois de bus jusqu’à la frontière nigérienne et les déposer dans le désert. Aujourd’hui encore, la police et la gendarmerie conduisent des razzias dans les quartiers fréquentés par les migrant.es clandestin.es d’Oran ou d’Alger ou même sur des chantiers où de nombreux.ses travailleur.euses exercent en situation irrégulière, sans visa de séjour. Ces arrestations sont bien souvent arbitraires et se font sans contrôle adéquat d’autorisation de séjour. Après l’arrestation, ces personnes sont rassemblées dans des camps de ralliement comme le camp de Zéralda à l’Est d’Alger, où ils.elles passent quelques nuits avant d’être rapatrié.es en bus à plus de 2000 kilomètres de là, à Tamanrasset, située au Sud de l’Algérie, pour passer une nuit supplémentaire dans des logements provisoires et improvisés aux conditions sanitaires catastrophiques avant d’être déposé.es en convois militaires à proximité de la frontière avec le Niger, souvent la nuit et sans approvisionnement en eau ou nourriture d’où ils.elles sont forcé.es à traverser la frontière à pied.

Ces deux dernières années, au moins 45 convois ont été réalisés depuis le début de ces expulsions de masses représentant environ 19.000 personnes. Jusqu’à la moitié de l’année 2017, on pouvait enregistrer environ 2 convois par mois. Avec l’entrée en fonction de l’ex-premier ministre Ahmed Ouyahia en 2017, personnage politique de l’extrême droite nationaliste connu pour ses opinions provoquantes et inflexibles, la politique d’expulsion et de repoussement s’est intensifiée comme jamais.

Dans les razzias hebdomadaires organisées au début de l’année 2019, ce ne sont plus uniquement les migrant.es nigérien.nes qui sont visé.es, mais également d’autres réfugié.es de l’Afrique de l’Ouest ou d’autres pays de la région du Sahel pour être conduit.es vers le Niger. Le gouvernement nigérien se plaint d’ailleurs de cette application excessive du traité existant, jusque-là sans succès.

Les expulsions vers le Mali ont également eu lieu sous l’égide de Ouyahia, à des intervalles toujours plus courts. Au total, depuis 2019, environ 55 000 personnes sont présumées avoir été extraites du territoire algérien vers le Mali ou le Niger. Malgré les manifestations persistantes depuis février 2019 contre la classe politique dirigeante, les autorités algériennes continuent dans la lignée de cette politique d’immigration discriminatoire et raciste et ont transporté des milliers de personnes vers le Niger. Entre septembre et octobre 2019 seulement, plus de 3200 personnes ont apparemment été déportées vers ce même pays frontalier. Les organismes de sécurité menacent souvent les migrant.es et réfugié.es verbalisé.es de les renvoyer par avion dans leurs pays de provenance. Le fait que le gouvernement algérien expulse réellement les migrant.es par la voie aérienne n’est pour l’instant pas confirmé.

Reprise de ressortissant.es algérien.nes

En matière de rapatriements d’algérien.nes contraint.es de quitter les pays de l’Union Européenne, l’Algérie coopère de façon formelle avec l’UE et ses États membres, mais dans le fond, les rapatriements vers l’Algérie restent compliqués. Les ambassades et consulats algérien.nes ne fournissent pas les documents nécessaires et remplissent les conditions bureaucratiques nécessaires à la procédure de rapatriement que très tard. Entre 1994 et 2007, l’Algérie a signé plusieurs traités de rapatriements de migrant.es avec six pays européens (France 1994, Allemagne 1997, Espagne 2002, Grande-Bretagne et Italie 2006, Suisse 2007) avec lesquels le pays s’engage à accueillir des ressortissant.es algérien.nes arrivé.es en Europe clandestinement ainsi que des réfugié.es d’États tiers ayant manifestement voyagés par l’Algérie.

Le premier ministre Ouyahia et la chancelière allemande Merkel ont assuré dans le cadre de leur dernière rencontre à Alger en septembre 2018 que le renvoi de personnes tenues de quitter l’Allemagne se déroulerait sans problème additionnel. En 2015, 57 personnes se sont vues expulsées de l’Allemagne vers l’Algérie. En 2017, ce nombre augmentait considérablement. 504 migrant.es ont été renvoyé.es tandis que l’on enregistrait déjà pour les six premiers mois de l’année 2018 305 renvois.

Au début de l’année 2015, l’Algérie annonçait la mise en circulation de papiers d’identité biométriques qui ont toujours été une condition de l’Union Européenne pour faciliter l’identification de personnes expulsées. Le gouvernement algérien aurait diffusé presque 15 millions de passeports biométriques jusqu’à la fin 2019.

Quels rôles jouent (quelles) ONG ?

Les voix de différentes organisations algériennes défendant les droits humains, des ONG et des syndicats indépendants s’élèvent à travers des campagnes informatives contre les politiques de migration et de rapatriement algériennes, la répression par l’État des migrant.es africain.es ainsi que contre la politique restrictive de l’Union Européenne visant l’immigration, l’accueil et l’obtention de visas de demandeur.euses d’asile. Au regard des discours d’extrême droite nationaliste devenant toujours plus populaires, les appels de la population algérienne demandant une alternative politique restent sans échos. La société civile critiquant le parlement et sa ligne politique (voir chapitre 8) joue un grand rôle pour la visibilité de thèmes comme le cloisonnement des frontières ou le régime d’expulsions mais est encore trop faible pour pouvoir faire sérieusement pression sur le gouvernement.

Le gouvernement essaie d’intégrer les acteurs de la société civile dans la politique de migration et donne ainsi l’impression, qui n’est rien de plus qu’une illusion, de respecter les accords internationaux.

La branche algérienne du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est jusqu’ici une des seules organisations qui accompagne presque sans exception des convois de rapatriement vers Tamanrasset et qui atteste dans plusieurs communiqués que les autorités algériennes se tiennent au droit international des migrant.es et des réfugié.es lors de leur transport.

Le bureau de l’Organisation Internationale pour les Migrants (OIM) à Alger n’est pas encore systématiquement amené à coopérer dans les opérations d’expulsions vers le Niger et le Mali mais a pu participer à un convoi algérien de réfugié.es de Alger vers Tamanrasset et à également pu entrer en contact avec les personnes arrêtées et internées afin de pouvoir les convaincre de retourner volontairement dans leur pays de provenance.

La première expulsion groupée conduite par l’OIM s’est déroulée en octobre 2019 et rassemblait 166 ressortissant.es nigérien.nes de Tamanrasset vers Niamey. Une coopération rapprochée et intensifiée entre l’OIM et le gouvernement algérien n’est donc plus qu’une question de temps.

Intérêts économiques – qui sont les gagnants …

Les grand.es gagnant.es du transfert de frontière de l’UE en Algérie sont l’organisme de sécurité algérien ainsi que les grandes entreprises exportant vers l’Algérie et y produisant localement. Les autorités intérieures, les armées tout comme le Ministère de la Défense profitent des livraisons interminables de nouvel armement et d’équipement militaire et modernisent ainsi leurs flottes de véhicules et leurs inventaires d’armement et d’équipement militaire pendant que les fonctionnaires algérien.nes bénéficient de formations et d’entraînements internationaux.

L’espérance d’un transfert de technologie et de connaissance à travers le développement de sites de production sur le territoire algérien a pour l’instant montré peu d’effets concrets et n’a pas rempli les attentes du gouvernement. Le pays, plus particulièrement ses usines sont dépendantes des livraisons allemandes sur une durée non définie pour le maintien de la production – cet aspect peut être interprété par le gouvernement allemand comme une extension de l’influence géopolitique et sécuritaire en Algérie car si l’Allemagne n’approuve plus l’export de sous-ensembles, alors celles-ci arrêteront de fonctionner.

Outre les fournisseur.euses d’armement et d’équipement étranger.ères, certaines entreprises ayant un partenariat commercial profitent également de sites de production militaire locaux, parmi ces entreprises on peut nommer : Daimler, Rheinmetall et Hensoldt mais aussi des entreprises russes et italiennes dont les usines sont encore en cours de construction. Il existe parallèlement, nichés dans les contrats d’armement de ces dernières années, certains signes de corruption, par exemple : le groupe Thyssen-Krupp (TKMS) et l’Algérie se sont mis d’accord sur l’achat de deux frégates du type MEKO A-200, armement et équipement compris. Seulement, selon certains rapports, TKMS n’aurait pas acheté les munitions promises auprès de ses fabriquant.es européens, mais aurait, par ailleurs, engagé pour cette affaire opaque un intermédiaire libanais. L’entreprise est accusée de suspicion de corruption depuis la sortie publique de tels détails.

… et qui sont les perdants ?

On compte parmi les perdant.es de la politique d’expulsion et de contrôle des frontières algérienne, sans aucun doute, les réfugié.es et migrant.es clandestin.es qui sont de manière récurrente victimes du jugement arbitraire des autorités gouvernementales et qui sont livré.es aux exactions des soldats et policiers et aux effractions des droits internationaux des migrant.es. Face au manque de législations visant la situation des réfugié.es clandestin.es, ceux.celles-ci sont aussi souvent contraint.es à la précarité. Ces personnes sont aussi plus fréquemment touchées par des attaques racistes dont les agresseur.es sont motivé.es par les élans extrémistes de droite et populistes de certains pans de la classe politique. Celle-ci vise par son discours xénophobe à faire se dresser les uns contre les autres : les migrant.es et la classe populaire algérienne largement défavorisée. Les migrant.es algérien.nes sont poussé.es par la politique de contrôles frontaliers algérienne et européenne à emprunter des routes plus dangereuses, par exemple par la mer.

Les populations vivant à proximité des lignes frontalières en particulier celles se trouvant le long de la frontière, plus densément habitée, entre le Maroc et l’Algérie peuvent être considérées comme perdantes de ces politiques restrictives divisant des familles et privant les personnes concernées de leurs emplois ou perspectives professionnelles.

La résistance

Plusieurs acteur.trices de la société civile comme les ONG, les organisations de jeunesses ou les syndicats se mobilisent activement contre les expulsions et les représailles contre les migrant.es clandestin.es vivant en Algérie commissent par les autorités. Ils organisent des campagnes d’informations, des ateliers et des conférences afin de lancer des débats et par ce biais de sensibiliser la jeunesse algérienne. Des initiatives autogérées par les réfugié.es africain.es habitant en Algérie existent déjà dans plusieurs grandes villes mais sont, à cause des dispositions légales restrictives au regard des droits des ONG, repoussées au statut d’organisations officieuses. De plus, la population jette souvent un regard critique sur ces initiatives.

Les ONG algériennes les plus importantes se préoccupant de la politique migratoire et du rapatriement de réfugié.es sont le RAJ, Rassemblement Actions Jeunesse, qui est très actif et nationalement représenté, la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) à Alger et Béjaïa, mais aussi des groupes féministes à Oran et des syndicats indépendants comme la Confédération Générale Autonome des Travailleurs en Algérie (CGATA) qui s’engage pour les droits des migrant.es de travail et des réfugié.es.

C’est surtout le RAJ qui est depuis le début des protestations contre la classe politique dirigeante devenu une cible pour les organes de sécurité du pays. De nombreux.ses activistes du RAJ, autrefois à la tête des campagnes de revendications de justice et de rejet de la politique migratoire, sont aujourd’hui en prison et doivent répondre de leur activité au sein des manifestations devant la justice.

À la frontière entre le Maroc et l’Algérie, de facto fermée (surtout aux environs d’Oujda et de Maghnia), persistent des manifestations depuis 2015 menées par des activistes, suivies par la population locale, demandant l’ouverture de la frontière, se positionnant ainsi à l’inverse de la politique de cloisonnement des frontières marocaine et algérienne.

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