Niger

Publié(e) octobre 4th, 2020 - écrit par: Laura Lambert

Données de bases et courte description

La migration a longtemps été une ressource pour le Niger et n’était quasiment pas soumise à une régulation politique par le gouvernement nigérien. L’intérêt de l’Europe pour le Niger était également minime. Cela changea aux alentours de 2015, au moment où le Niger devint un partenaire privilégié pour l’application de la politique de contrôle migratoire européenne. Depuis lors, nombre de politicien.nes européen.nes ne cessent de s’y rendre. L’argent et les équipements de sécurité sont déplacés vers « l’État du Sahel ». En contrepartie, la mobilité des personnes d'Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest notamment a été grandement limitée. Le Niger, en tant que « gendarme frontalier de l’Europe »[1], est devenu un terminus et un corridor de retour pour les migrant.es et réfugié.es. Il est également devenu un terrain d’expérimentations pour l’intervention de patrouilles frontalières sur des territoires impraticables et pour l’externalisation de la protection des réfugié.es. Au même moment, le Niger est lui-même un foyer de crise qui génère de plus en plus de mouvement d’émigration.

L’économie et le gouvernement

Depuis l’acquisition de son indépendance de la France en 1960, le Niger a traversé de longues périodes de régimes autocratiques et militaires. Depuis 1990, le régime a pris la forme d’une démocratie présidentielle dirigée depuis 2011 par le président Mahamadou Issoufou et son parti, le PNDS-Tarayya. Cependant, en raison de la restriction de certaines libertés telles que celle de la presse, de l’opinion, du rassemblement et en raison de la manière dont est pratiquée la séparation des pouvoirs, les critères de démocratie classent le régime de plus en plus comme un régime hybride

Le président Issoufou a pu assurer un soutien financier et militaire dans le combat contre la migration illégale et le terrorisme. Il se trouve cependant dans un conflit avec l’opposition et est critiqué de ne pas avoir fait assez pour combattre la pauvreté, le terrorisme et la corruption. La corruption des forces de sécurité compromet la liberté de circulation à l’intérieur du pays. D’après l’agence anti-corruption HALCIA, cette liberté est nécessaire au bon fonctionnement des forces de sécurité.[2] Depuis l’annonce d’Issoufou de ne pas renouveler sa candidature en 2021 conformément à la constitution, la bataille politique pour sa succession a commencé. Mohamed Bazoum, le candidat d’Issoufou et le ministre de l’intérieur actuel est vu par les partenaires européens et internationaux comme un partenaire de confiance, mais celui-ci est controversé au sein de la population.[3]

Le Niger est entouré de pays dont les foyers de crises croissent : Mali, Nigeria, Libye, Burkina Faso, Tchad. De ce fait, la population nigérienne est elle-même devenue la cible d’attentats islamistes, d’enlèvements et de vols. D’après l’OCHA, le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, presque 200 civils ont déjà été tués et plus de 100 enlèvements ont eu lieu dans les 5 premiers mois de 2019. Plus de 110 000 personnes ont dû quitter leur lieu de vie à cause de menaces.

Le Niger occupe depuis 1990 l’(avant-)dernière place sur l’indice du développement humain (alors que le pays est riche en ressources d’uranium, de gaz et d’or). Avec un budget d’environ 3,1 milliards d’Euro, le pays dispose de moyen très restreints pour répondre aux nombreuses priorités. Les infrastructures sociales faibles, la pauvreté, le chômage et le sous-emploi touchent une grande partie de cette population de 20 millions d’habitant.es. L’impact de la croissance démographique importante (3,2% par an) sur ces problématiques est controversé. Ces facteurs comptent comme une raison potentielle pour la décision de migration et pour la pression migratoire crainte par l’Europe et affirmée par le Niger. Pourtant, les Nigérien.nes migrent jusqu’alors principalement au sein de l’Afrique de l’Ouest et vers le Maghreb.

Mouvements migratoires

Le Niger a souvent été réduit à son rôle de pays de transit pour la migration en direction des pays européens.[4] Au sein de ce pays, toutes sortes de migrations volontaires ou forcées se croisent. Le Niger est pour celles-ci un pays de départ, de transit et d’arrivée.[5]

Migration circulaire comme stratégie d’adaptation

La migration circulaire et temporaire au Sahel a été depuis longtemps une stratégie d’adaptation aux conditions de vie du territoire.[6] Elle se dirige depuis un siècle du Niger vers les métropoles d’Afrique de l’Ouest et depuis les années 1950 depuis le Sahel en direction de la Libye et de l’Algérie.[7] 80% de la migration au Sahara est une migration interne à l’Afrique.[8]

Des femmes et des enfants de la région de Zinder entreprennent aussi de plus en plus une migration circulaire vers l’Algérie. Les femmes migrent vers l’Algérie pour y travailler en tant que domestiques, pour y mendier ou se prostituer. Après un événement dramatique en 2013, lors duquel 92 personnes sont mortes dans le désert, presque exclusivement des femmes et des enfants, ces personnes ont été médiatisées sous le nom « Les femmes de Kantché » au Niger. Cela a soulevé un tollé moral dans cette société patriarcale. Les femmes montrées dans les interviews déclaraient que leurs maris n’étaient pas en mesure de nourrir leur famille ou de satisfaire les besoins pour une vie meilleure.[9] La réaction de l’État nigérien a été essentiellement répressive et s’est focalisée sur les femmes et les enfants : les femmes sont arrêtées par les forces de sécurité lors de leur voyage en direction d’Agadez ou d'Arlit, elles doivent donc tenter de les contourner.[10] En 2014, le Niger a conclu un accord de réadmission avec l’Algérie qui prévoit l’expulsion de 3 000 Nigérien.nes. Cet acte répressif dirigé contre les femmes et enfants nigériens a précédé la répression du transit migratoire en direction du Maghreb. En tant que citoyen.nes nigérien.nes, ils n’ont ainsi pas le droit de se déplacer librement sur le territoire et de le quitter. Une forme de migration circulaire interne très répandue est celle de l’exode rural qui se caractérise par le mouvement des habitant.es des zones rurales vers la ville lors des périodes de sécheresse. En 2011 on compte 890 000 migrant.es intérieur.es.[11] Il faut ajouter à cela la transhumance des éleveur.es, qui dépassent même les frontières.

Migration de transit et sa criminalisation

Depuis les années 1990, le Niger est devenu un espace de transit important pour la migration depuis l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale vers la Libye et en partie vers l’Europe. Cela s’est encore accentué après le blocage, soutenu par l’Europe, des autres voies de migration depuis l’Afrique de l’Ouest par les îles Canaries et le Mali.[12] En 2016, l’OIM, l’Organisation Internationale pour les Migrations de l’ONU, comptait 292 000 migrant.es et réfugié.es sur les routes principales du Sahara nigérien se dirigeant vers la Libye, et 34 000 en direction de l’Algérie. Ils comptaient en plus environ 111 000 migrant.es empruntant la direction opposée.

À ce moment-là (2016), grâce à la pression politique, à un soutien technique et à des mesures d’incitation financière, l’Europe parvint à mettre en application une loi criminalisant les passeur.euses qui avait déjà été votée en 2015 (loi 2015-036). Elle criminalise l’aide à l’émigration ou à l’immigration illégale motivée matériellement, l’aide au logement et la fabrication de faux documents. En 2017, l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) ne comptait plus que 35 000 migrant.es aux mêmes points de transits en direction de la Libye et de l’Algérie. Le président du parlement européen de l’époque, Tajani, évoqua une réduction à hauteur de 95% des mouvements migratoires vers la Libye et l’UE, qu’il célébra comme une « réussite de l’UE ». Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrant.es souleva dans son rapport sur le Niger la contradiction de ces mesures avec les lois internationales des droits humains et le principe de liberté de mouvement au sein de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).[13] Par ailleurs , il en est venu à l’interdiction de fait de toute mobilité au nord d’Agadez,[14] entravant par la même occasion la mobilité des Nigérien.nes. Les habitant.es de la région soulèvent que l’économie de la région d’Agadez, qui dépend de la migration, a dépéri. « C’est comme si on nous avait étranglés » résume Maimou Wali dans sa publication de 2018 sur les chances restreintes de la jeunesse d’Agadez. Entre-temps, cette loi a également été utilisée dans le sud du pays et a déjà conduit à des arrestations. Le procès pénal se poursuit. D’après la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), la police migratoire du Niger, 142 personnes furent arrêtées et transférées à la justice en 2018. Parmi elles : 75 pour le trafic illicite de migrant.es, 17 pour la traite des personnes, 50 pour la falsification de documents. 32 véhicules furent réquisitionnés, dont 12 voitures et 9 motos.[15]

Dans le même temps, il s’est avéré que les mouvements migratoires s’adaptaient constamment aux tentatives de contrôles, contournaient Agadez et empruntaient de nouvelles trajectoires dans le désert. Personne ne pouvait et ne peut dire combien de personnes sont sur la route dans le Sahel et le Sahara.

Le Niger comme pays de refuge

Les réfugié.es arrivent depuis longtemps au Niger en raison des situations de conflits ou des risques de persécution en Afrique Centrale et de l’Ouest comme au Liberia, en Côte d’Ivoire ou en République Centrafricaine.[16] Il y a eu les premiers grands mouvements d’immigration en 1990 en provenance du Tchad et en 2012/2013 avec le début de la crise au Mali et la persécution par Boko Haram au Nord du Nigeria et au Sud-Est du Niger. En 2019, on comptait 56 000 réfugié.es malien.nes, 120 000 nord-nigérian.nes ainsi qu’un nombre important de déplacé.es internes venant des frontières avec le Mali, le Nigeria et le Burkina Faso. Depuis 2017, les nombres et origines des migrant.es au Niger se sont multipliés : parmi ces nouveaux on trouve les évacué.es des prisons libyennes, principalement des personnes d’Afrique de l’Est qui transitent par le Niger dans le cadre de l’Emergency Transit Mechanism (ETM, « mécanisme de transit d’urgence ») et des procédures d’asile et de réinstallation. Par ailleurs, il y a à Agadez des demandeur.euses d’asile soudanais.es et d’autres, ayant fui la Libye par leurs propres moyens. Ainsi, le Niger compte 218 000 réfugié.es et 187 000 déplacé.es internes en octobre 2019. 4 600 sont des demandeur.euses d’asile. D’autre part, seulement peu de Nigérien.nes détiennent un statut de réfugié.es à l’échelle mondiale (2016 : 1 235 personnes).

Le Niger comme corridor de retour

Depuis le début de la crise en Libye en 2011, beaucoup de migrant.es sont retourné.es de la Libye vers l’Afrique de l’Ouest et vers le Niger, parmi lesquel.les pouvaient être comptées des expulsions. En 2012, 114 500 Nigérien.nes revinrent de la Libye.[17] Depuis, la migration vers la Libye autant que le retour depuis ce pays continue. L’OIM est l’acteur principal du retour « volontaire » et, en 2018, ramena 2 663 Nigérien.nes au Niger depuis la Libye.

La même année, l’OIM ramena également presque 15 000 migrant.es depuis le Niger vers leurs pays d’origine, principalement d’Afrique de l’Ouest et Centrale. De ce fait, le Niger se trouva en deuxième position des « retours volontaires assistés » (AVVR) réalisés.[18] Le nombre des personnes « retournant » a plus que décuplé depuis 2015. Le rapporteur spécial sur les droits des migrant.es a remis le caractère « volontaire » de ces retours en question. Il s’agirait en effet de la seule option qui reste aux migrant.es expulsé.es ou arrêté.es sur les routes d’immigration, sans prise en compte de leur vulnérabilité et des atteintes aux droits de l’homme subies auparavant.[19] Alors que le Niger n’expulse pas beaucoup, il est devenu le bassin d’accueil pour les retours forcés. D’après la Police des frontières, 15 896 personnes furent expulsées vers le Niger en 2018, parmi eux 6 705 Nigérien.nes et 9 191 d’autres nationalités.[20] Les statistiques de l’OIM annoncent une part des Nigérien.nes plus élevée avec 14 919.[21] La majorité des personnes a été renvoyée lors des expulsions de masse depuis l’Algérie vers le Niger. Depuis le début du refoulement nigéro-algérien coordonné en 2014 se sont ajoutées 39 304 autres expulsions de Nigérien.nes depuis l’Algérie – et par là, plus de douze fois le nombre de 3 000 convenu dans l’accord de réadmission.[22]

Alors que les Nigérien.nes sont souvent conduit.es vers Agadez par des convois, les autres expulsé.es d’Algérie d’origine d’Afrique l'Ouest et Centrale – en partie également de Syrie, du Yémen, des territoires Palestiniens, du Bangladesh et du Sri Lanka – sont déposé.es à la frontière nigérienne dans le désert puis forcé.es, sous la menace des armes, à se rendre au poste-frontière d’Assamaka situé à 15km. Ces expulsions ont largement pris de l’ampleur depuis octobre 2017. Bien que l’Algérie ait été critiquée à plusieurs reprises au niveau des Nations Unies pour des atteintes aux droits humains lors de ces expulsions, les efforts diplomatiques du Niger pour arrêter ces expulsions, au moins pour les non-ressortissants des pays CEDEAO, n’a pas encore porté ses fruits.

Structures de soutien

Il existe peu de structures institutionnelles d’aide aux migrant.es et aux réfugié.es. L’assistance médicale de base, indépendante du statut des personnes, est organisée par Médecins Sans Frontières (MSF) à Agadez et par la Croix Rouge à Niamey. Les seuls hébergements accessibles presque sans condition sont organisés par des organisations de la diaspora d’Afrique de l’Ouest comme la diaspora togolaise ou les communautés religieuses comme la Tidjaniya à Niamey. L’église anime un centre de conseil à Niamey pour les migrant.es, où il peut aussi être proposé des aides – dans une moindre mesure.

Beaucoup de migrant.es surmontent les situations difficiles grâce au soutien de la population locale ou en trouvant un travail – souvent dans des conditions d’exploitation. Les demandeur.euses d’asile peuvent être hébergé.es dans les logements de l’HCR à Niamey et à Agadez, mais seulement si ils.elles étaient en route vers l’Europe, transféré.es par l’OIM (« migration mixée ») ou montrent des signes de vulnérabilité exceptionnels. D’autres demandeur.euses d’asile vivent dans la rue ou dans des hébergements autogérés. Deux sites de maisons en plastique de la marque IKEA « Better Shelter » ont été établis en dehors des centres urbains pour les demandeur.euses d’asile soudanais.es d’Agadez et les réfugié.es du programme ETM (« mécanisme de transit d’urgence »).

L’OIM s’occupe de six sites de transit. Mais elle conditionne l’hébergement et le ravitaillement dans ces centres à une acceptation des intéressés au retour volontaire assisté dans le pays d’origine. Les migrant.es essaient néanmoins de rester pour une courte période et quittent librement le site. Depuis août 2019, l’organisation s’occupe en plus d’un site pour les victimes de la traite des êtres humains à Zinder en coopération avec l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes et le Trafic Illicite des Migrants (ANLTP-TIM). Dans une moindre mesure, l’OIM organise avec la Direction Générale de la Protection Civile (DGPC) des missions de recherches et de sauvetages dans le désert. Toutefois, durant la première moitié de l’année 2019, il n’y eut que 15 de ces missions, qui sauvèrent 197 migrant.es en tout. Bien qu’il n’y ait pas de données précises sur les migrant.es mort.es lors de la traversée du Sahara, l’OIM affirme que le Sahara est au moins aussi mortifère que la mer Méditerranée. Elle investit pourtant étonnamment peu de ressources au sauvetage des personnes dans le désert. Les objectifs de l’OIM semblent clairs : les migrant.es doivent être découragé.es à migrer. Le sauvetage des vies, l’élucidation d’accidents et l’information des proches, eux, ne sont pas des priorités pour l’organisation. Le projet activiste et transnational Alarme Phone Sahara existant depuis 2017 tend en revanche à effectuer un monitoring des routes de migration, à proposer des aides sociales simples d’accès à Agadez et dans une moindre mesure à réaliser des actions de sauvetage.

Projets de l’UE

Depuis 2016, le Niger est l’un des cinq pays africains avec lesquels l’UE a conclu un partenariat pour les migrations. Le soutien financier en résultant représente une importante partie du budget de l’état nigérien, qui s’élève à 3,1 milliards d’euros par an. Ainsi, l’UE et ses pays membres participèrent à hauteur d’un quart au budget de l’Etat de 2016. D’autres bailleurs de fonds contribuaient à hauteur de 20% à ce même budget. Les flux d’argent en provenance de l’UE au service du contrôle migratoire sont difficilement compréhensibles. Nous détaillons ici les principales subventions.

Dans le cadre de la coopération pour le développement, le soutien du Niger s’élève à 1 milliard d’euros pour la période 2014-2020. La lutte contre la migration illégale et la traite des êtres humains représente un des trois objectifs de la subvention. Celle-ci est acquise par trois moyens principaux: premièrement, le Niger obtient 100 millions d’euros par an depuis 2016 comme budget de soutien direct, vu par l’UE comme la « variante privilégiée » du soutien. Le soutien budgétaire doit par la même occasion devenir partiellement dépendant des progrès faits en termes de lutte contre la migration illégale.[23] Deuxièmement, le plan d’investissement externe de l’UE doit accroître les investissements au Niger et par la même occasion affaiblir les causes de la migration. Il combine des moyens européens à hauteur de 111 millions d’euros avec des crédits liés et des subventions s’élevant jusqu’ici à 726 millions d’euros. Troisièmement, le fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique de l’UE (FFU) créé en 2015 au Sommet de la Valette sur la migration porte douze projets nationaux à hauteur de 253 millions d’euros. De ce fait, le Niger est celui qui en profite le plus, parmi les 26 pays africains concernés. À cela s’ajoute l’aide dans le cadre des projets régionaux.

Dans le domaine de l’aide humanitaire, l’UE mit à disposition 23,15 millions d’euros pour les réfugié.es, les déplacé.es internes et pour les communautés d’accueil en 2019. À cela s’ajoutent des moyens d’aides régionaux et spécifiques à certaines thématiques. Par ailleurs des mesures pour la politique migratoire sont financées par d’autres États de l’OCDE comme les États-Unis, le Canada, le Japon et la Suisse.

Même s’il s’agit en majorité de moyens issus de la coopération pour le développement, une grande partie des moyens sont employés pour des mesures sécuritaires de lutte contre la migration et les passeurs. De même, un amalgame se fait entre migration et terrorisme, trafic d’arme et de drogue au Niger.[24] D’après les données de l’UE, presque 60% des projets nationaux FFU (« fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique ») sont utilisés pour la gouvernance, la prévention de conflits et la gestion de la migration. Avec les priorités données à la sécurité, de l’argent prévu pour le développement est détourné pour le contrôle migratoire.[25] De plus, le FFU est critiqué pour mettre en place ses projets et leur planification par des agences de coopération européennes, des ONG et certaines organisations internationales au lieu de partenaires nationaux. Par ailleurs, ces projets n’ont qu’en partie des objectifs s’alignant sur les priorités nationales du développement et projetant des voies d’une migration légale. C’était pourtant ce qui était prévu par le plan d’action de La Valette.[26] Jusqu’ici, les Nigérien.nes ne peuvent se rendre sans visa que dans 29 pays du Sud global. Ceci les range à la 77ème place sur 90 dans le classement des passeports. Un autre élément notable en dehors de cela est l’absence de mesures de lutte contre la corruption dans le marché de la migration au vu de son ampleur[27] et le manque de centres de conseil indépendants et sans conditions d’accès ainsi que le manque de soutien et de mesures pour la protection des droits des migrant.es et des réfugié.es.. La traite des êtres humains existant dans la société nigérienne[28] n’est pas non plus prise en compte comme telle, mais traitée comme un phénomène transitoire.

Interventions sur place (mission de formation, soutien aux frontières, …)

Les initiatives dans le domaine des politiques sécuritaires au Niger se sont multipliées comme des champignons surgissant du sol au cours des dernières années. Elles concernent essentiellement la Police et la Gendarmerie, les projets se distinguant ainsi par les méthodes et l’intensité de la coopération directe. Beaucoup de ces projets sont totalement opaques. S’ajoutent à cela quelques mesures sous le signe des politiques de développement en faveur des alternatives migratoires et des retours.

Missions de formation et de coopération

« European Capacity Building Sahel Niger » (EUCAP Sahel Niger) est l’une des dix missions, actuellement en cours, de la Politique de Sécurité et de Défense Commune de l’UE. Elle envoie des forces de police européennes et des expert.e.s de la sécurité au Niger, pour améliorer les capacités de la Police Nationale, de la Garde Nationale et de la Gendarmerie nigériennes grâce à des formations, du conseil et des mises à disposition de matériel y compris dans le domaine de la lutte contre les migrations irrégulières. Alors que la mission a débuté en 2012 dans la lutte contre le terrorisme, son mandat a été étendu en 2015 au soutien à la lutte contre les migrations irrégulières et en 2016 un bureau a été installé à Agadez, dans l’(ancien) carrefour migratoire. Actuellement, une des cinq cibles de la mission consiste à appuyer les Forces de défense et de sécurité, en vue de mieux contrôler les flux migratoires et ainsi de combattre les migrations irrégulières et les activités criminelles qui y sont liées avec plus d’efficacité. De 2012 à 2018, EUCAP Sahel Niger a formé, selon ses propres indications, 13 000 agents des forces de sécurité nigériennes entre autres dans le domaine de la falsification des documents, aux techniques d’enquêtes et de surveillance et à la police scientifique. Le tout récent mandat est censé prévoir, à la place des formations classiques, le lancement de formations plus opérationnelles de l’accompagnement et du suivi, dans lesquelles des policier.ières européen.nes soutiennent leurs collègues nigérien.nes directement dans leurs tâches quotidiennes.[29] Depuis son installation, la mission a crû constamment en effectif et en budget. Actuellement, y opèrent environ 130 expert.es de la sécurité provenant de 15 états de l’UE et quelques 70 employé.es nigérien.nes. Le budget est passé d’environ 8,7 millions d’euros en 2012[30] à 63,4 millions d’euros pour la période de deux ans de son quatrième mandat.

Une implication directe de policier.ières européen.nes dans le travail de la Police nigérienne constitue la raison d’être de l’« Equipe Conjointe d’Investigation » financée par le FFU (pour 11,5 millions d’euros), dans laquelle des policier.ières espagnol.es, français.es et nigérien.nes mènent des enquêtes ensemble. Inspirées du projet similaire hispano-mauritanien pour bloquer la « route des Canaries » (« Mécanisme de Réaction Rapide »), les investigations policières communes le long de la chaîne pénale doivent, dans l’esprit d’un « peer coaching », permettre de démanteler, des réseaux complets de transport au lieu des individus isolés. L’UE estime que l’ECI est un projet gagnant, ayant permis 266 arrestations et la mise en cause de 69 réseaux criminels jusqu’en septembre 2019.[31] Le projet est piloté par la « Fundación Internacional y para Iberoamérica de Administración y Políticas Públicas » (FIIAPP), une institution publique de l’état espagnol, qui participe dans le monde entier à des réformes du secteur public. Dans la modification du contrat est envisagé un élargissement des dotations en matériel, entre autres l’emploi de drones, d’équipements d’interceptions téléphoniques IMSI-Catcher et des analyses de bases de données, en complément du nouveau centre des écoutes téléphoniques de Niamey.

Le programme du FFU « AJUSEN » s’intéresse au soutien budgétaire direct et aux entraînements. Il tient à disposition 80 millions d’euros d’aide budgétaire pour le budget étatique entre 2016-2020, grâce auxquels les institutions étatiques dans les domaines de sécurité, contrôle frontalier, justice et finances publiques doivent être consolidées. Le soutien budgétaire, en grande partie financé par l’Italie[32] est lié à l’exigence de progrès dans le domaine de la lutte contre les migrations irrégulières. Elle est aussi conçue en vue de l’acquisition d’équipements de sécurité non létaux.[33] Par ailleurs avec 10 autres millions d’euros sont organisées des formations au profit de la justice nigérienne et huit forces de sécurité différentes entre autres sur la gestion des frontières. Les formations pour la justice sont organisés par l’AFD (Agence Française pour le Développement) à hauteur de 6 millions d’euros et servent à renforcer la justice dans la lutte contre les migrations irrégulières, la traite des personnes et d’autres crimes transnationaux. Les formations pour la sécurité sont assurées par CIVIPOL, une société française en partie privée qui appartient partiellement aux fabricants d’armes français Thalès, Airbus et Safran et qui en tant que think tank a influé sur la politique d’externalisation de la Commission Européenne.[34] Ses activités s’adressent à la Police, la Gendarmerie et la Garde Nationale mais aussi aux Services secrets et à la Douane.[35]

Frontex et plusieurs forces de sécurité européennes disposent d’officiers de liaison au Niger, comme entre autres l’Espagne et la Police fédérale allemande. L’UE y a aussi placé un officier de liaison pour les questions migratoires (EMLO). En plus de cela, plusieurs expert.es ont été directement intégré.es dans les services nigériens. Quelques ambassades européennes disposent officiellement de « référent.es migrations ». Tous s’efforcent, avec une influence plus ou moins directe, de promouvoir une coopération étroite avec les autorités nigériennes sur les questions migratoires.

Le responsable de Frontex au Niger depuis août 2017 est l’un des trois officiers de liaison Frontex hors UE – à côté de la Turquie et de la Serbie. Ceci démontre que le Niger constitue pour Frontex un partenaire de coopération majeur, situé le long de la route méditerranéenne centrale. Son interlocutrice principale est la Direction de la Surveillance du Territoire (DST). De plus, le Niger est depuis 2010 membre de Frontex Africa Intelligence Community, un réseau fondé en 2010 par Frontex et 26 Etats africains dédié aux trafics de migrant.es et au contrôle des frontières. À partir de ce réseau, Frontex a orienté fin 2018 à Niamey la première des huit « Frontex Risk Analysis Cells » dans huit pays subsahariens sur la collecte et l’analyse de données de crimes transfrontaliers comme les franchissements irréguliers de frontières, la falsification documentaire et la traite des êtres humains. Le but est d’en informer les autorités nationales et régionales ainsi que Frontex et de les orienter. Ces analyses reposent sur des données biométriques, selon un document de Frontex, sur MIDAS, PISCES et Securiport, qui est utilisé au Mali. Les renseignements récoltés par les cellules d’analyse des risques de l’AFIC doivent être partagés avec Frontex sur une plateforme numérisée de l’UE. Le projet est financé à hauteur de 4 millions d’euros par la coopération au développement de l’UE.

Gestion des frontières et innovations technologiques

En ce qui concerne la gestion des frontières au Niger, de plus en plus de nouvelles unités frontalières mobiles, (para)militaires et policières sont créées et l’infrastructure frontalière est renforcée. Le contexte de mise en place de ces tentatives de contrôle est marqué par le peu de frontières marquées et contrôlées sur les 5 700 km de frontières du Niger, qui se trouvent souvent dans des régions peu accessibles et de plus en plus concernées par des conflits.

Dans le projet « GAR-SI Sahel »(Groupes d’Action Rapides-Surveillance et Intervention au Sahel) des unités de gendarmerie mobiles et multidisciplinaires sont mises sur pied entre autres pour la sécurisation et la lutte contre le trafic de migrant.es, la traite des personnes, le trafic de drogues et d’armes, sous la direction de la Guardia Civil espagnole dans les pays du G5 Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad et Sénégal. Ils sont inspirés de projets antérieurs de la gendarmerie en Espagne contre l’ETA et au Sénégal. Le coût de ce projet financé par le FFU s’élève déjà à 66,6 millions d’euros. Le projet est également mis en œuvre par la FIIAPP espagnole. Au Niger les GAR-SI ont participé, depuis leur création en 2019, à des patrouilles aux frontières avec le Burkina Faso et le Mali, et ont, d’après les statistiques, saisi des armes et des explosifs mais arrêté aucun.e passeur.seuse ni migrant.es. Les GAR-SI sont aussi équipés de drones et d’appareils de vision nocturne.

Le programme « Gestion des Frontières » (IBM) de l’OIM existe depuis 2015 et est financé par l’UE, les USA, le Canada et le Japon (en 2017 : 5 083 184 USD) pour le renforcement des contrôles frontaliers. De celui-ci résulte la construction de nouveaux postes frontières et de leur équipement technique avec le système biométrique MIDAS de l’OIM ainsi que le renforcement des capacités des forces de sécurité. L’intention du programme OIM est d’étendre la « frontière » sur l’ensemble du territoire et de multiplier les contrôles.[36]

A cet effet, la population vivant dans des zones frontalières est intégrée dans des « comités de veille communautaire aux frontières » qui doivent signaler aux forces de sécurité les mouvements « suspects » sur la frontière. De plus, un prototype de « poste frontière mobile » a été développé afin d’être employé dans le désert. Il s’agit d’un camion Kamaz 6x4 à capacité tout terrain hautement armé et équipé de deux bureaux, de panneaux solaires, d’une éolienne, d’un groupe électrogène, d’un réservoir d’eau, d’un véhicule pick-up et de motos ainsi que du système MIDAS et du système de communication CODAN, avec une autonomie suffisante pour être nomade de 5 à 8 jours.

Il reste un doute, toutefois, sur les capacités d’engagement de ce véhicule d’environ 100.000 euros dans les zones de conflits.[37] L’OIM entretient à ce sujet des coopérations avec le constructeur portugais de véhicules d’intervention Futurvida, Motorola et autres.

EUCAP Sahel Niger poursuit aussi les mêmes objectifs de rendre les contrôles plus mobiles et de les multiplier. EUCAP a fourni aux forces de sécurité, pour la seule année 2018, 4,9 millions d’euros de matériel. Entre autres, 31 postes de contrôle frontaliers ont été équipés et l’introduction du système biométrique WAPIS a été soutenue. S’y ajoutent en 2019 32 conteneurs hautement équipés sur le plan technique pour renforcer les postes de police sur les routes d’accès à la capitale Niamey et le long des routes migratoires vers la Libye et l’Algérie. EUCAP a fourni des garages mobiles aux forces de sécurité qui doivent accroître l’autonomie des engagements dans des terrains isolés comme le désert. De surcroît, EUCAP s’est surtout approprié le projet de modèle d’unités mobiles de contrôles aux frontières « Compagnie Mobile du Contrôle Frontalier » qui avait été introduit en 2016 par les forces armées américaines. La première unité, financée par les États-Unis et supervisée par les Étas-Unis et le FBI, comprend 250 policier.ières dans le carrefour d’échanges et de migrations de Maradi à la frontière avec le Nigeria. Au cours des huit premiers mois de 2018, l’unité a remis 110 personnes devant les autorités judiciaires, entre autres pour tentative d’entrée irrégulière sur le territoire. Inspirée par cette initiative, EUCAP Sahel Niger a soutenu la création d’une deuxième unité mobile de 252 policier.ières, qui doit être installée en octobre 2019 dans une autre ville frontière avec le Nigeria, Birni-N’Konni. Elle sera formée et équipée par EUCAP avec la participation de plusieurs forces de sécurité européennes et de Frontex et financée par l’Allemagne (6 millions d’euros) et les Pays-Bas (4 millions d’euros). Une troisième unité est prévue à Zinder.[38] EUCAP Sahel Niger attribue à l’unité les mots d’ordre « innovante, nigérienne et proche des gens ». Le but est d’améliorer les contrôles tactiques et la sécurité des frontières nigériennes y compris en situation difficile et la lutte contre la criminalité transfrontalière, en particulier l’immigration irrégulière.[39]

Le programme « Appui au Programme Frontière de l’Union Africaine » (2008-2019 financé par le Ministère des Affaires Étrangères de l’Allemagne) de la GIZ soutient la gestion des frontières dans 18 pays africains. Au Niger, le projet a réalisé des démarcations de frontières avec l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso et le Nigeria et assisté la « Commission Nationale des Frontières » lors de la formulation de la Politique Nationale des Frontières 2019-2035 et de son plan d’action, qui ont été approuvés en octobre 2019. Les moyens pour le Niger s’élèvent dans la troisième phase du projet à 10,45 millions d’euros, le Niger étant ainsi nettement mieux doté que les autres états.[40]

Le programme « Police en Afrique subsaharienne » de la GIZ (Agence Allemande de Coopération Internationale) (budget 2016-2019 : Ministère des Affaires Étrangères de l’Allemagne : 5,8 millions d’euros, UE : 0,8 million d’euros) est engagé au Niger, où il existe depuis 2013 en faveur du développement et du renforcement de la police (frontalière) par des processus de réformes, la formation, la fourniture de matériel, entre autre pour la sécurité des frontières. Ainsi, la GIZ a aussi construit 11 postes-frontière à la frontière avec le Nigeria et les a équipés de motos, véhicules et ordinateurs. Elle a développé en outre des modules de formation sur la sécurité aux frontières et livré du matériel pour le laboratoire de la Police Scientifique.[41] Le financement du programme est assuré par le Ministère allemand des Affaires Étrangères. La troisième phase jusqu’en 2019, avec un engagement dans 6 pays et 3 organisations régionales, s’élève à 39,7 millions d’euros. Au total, cette aide représentait en 2017 et depuis le début du programme 90 millions d’euros.

Avec 363 millions d’euros l’UE promeut également la constitution d’un groupe d’intervention militaire, la force conjointe du G5 Sahel, qui doit agir contre la traite des personnes, d’autres crimes organisés et le terrorisme dans les zones frontalières des états sahéliens. Elle est composée pour l’essentiel de militaires des cinq pays du Sahel et est soutenue par EUCAP Niger Sahel et les deux autres missions européennes de la PSDC au Sahel. Le projet est en partie géré par les agences de coopération au développement Expertise France et la GIZ.[42] Parallèlement, plusieurs armées européennes et les Etats Unis ont créé des points d’appui ou installé des missions de formation au Niger, dont la présence se heurte à une opposition au sein de la société civile nigérienne. Même si ces missions n’œuvrent pas de façon formelle sur les migrations, elles s’inscrivent dans la militarisation des zones frontalières, qui sont perçues comme des facteurs d’instabilité.

Programmes en faveur du retour et projets de développement comme alternatives aux migrations

Deux projets de l’OIM, animés par le FFU organisent les retours « volontaires » de migrant.es du Niger vers leurs pays d’origine à hauteur totale de 22 millions d’euros (MRRM : 7 millions, SURENI : 15 millions d’euros). À l’aide au retour est lié le financement de l’hébergement et de l’approvisionnement des six Centres de Transit du Niger, la sensibilisation de migrant.es potentiel.les, les opérations de sauvetage, la surveillance des routes migratoires, le soutien aux structures étatiques et la réintégration. Les projets se fondent sur des phases exploratoires financées par l’Italie, le Royaume-Uni et l’UE.[43] En sus, il existe divers programmes de réintégration financés par plusieurs pays européens pour les migrant.es nigérien.nes.[44] La réintégration vise à l’obtention de revenus alternatifs pour empêcher une (re-)migration potentielle.

S’ajoutent à cela les programmes de développement pour la conversion des anciens « acteurs des migrations », pour empêcher les départs ou bien l’amortissement des effets de la migration en transit par le Niger dans la population nigérienne dans les principales régions d’origine et de transit des migrant.es : Agadez, Tahoua et Zinder. Il s’agit ici de travail classique de développement, consistant à préparer, par des mesures en matière d’infrastructures, d’agriculture, de formation professionnelle et de création d’entreprises, des dispositifs à court terme en faveur du travail et/ou à élaborer des perspectives d’activités à long terme. Selon le bilan du FFU 5 558 emplois auraient été créés au Niger jusqu’en mars 2019, dont environ un quart sont des programmes à court terme type « cash-for-work ». Reste la question de la durabilité de ces projets de développement en tant qu’alternative à la migration circulaire existant depuis très longtemps comme stratégie d’adaptation aux difficiles conditions saisonnières de travail et de vie au Sahel.[45] Près de 100 millions d’euros venant du FFU sont dédiés à ce poste et sont gérés par les coopérations bilatérales française, allemande, belge, italienne et luxembourgeoise ainsi que la « Haute Autorité de Consolidation de la Paix » nigérienne. Viennent en sus deux projets de l’OIM de « Community Stabilizing », financés par les Affaires Étrangères allemandes et l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrant.es.

Ainsi ces projets entreprennent de forts changements dans le paysage politique nigérien. Le projet de la GIZ « ProGEM », financièrement consolidé (FFU : 25 millions d’euros, Ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement de l’Allemagne : 3,5 millions d’euros), incite les collectivités territoriales à analyser, au sein des  comités d’observation (« observatoires ») nouvellement créés, avec d’autres partenaires, les effets des migrations sur leur commune pour ensuite approuver des propositions de solutions sous la forme de mesures d’infrastructures attrayantes pour ces communes, réalisées par la suite par la GIZ. À Agadez, le maire a par exemple blâmé les migrant.es pour le problème structurel des déchets dans la ville.[46] La migration devient de ce fait un sujet de politique locale, les déficits structurels étant au moins en partie imputés aux migrant.es, et lesdites conclusions étant ensuite reprises dans la politique au plan national.

Ces programmes de travail concernent à peine les véritables « acteurs de la migration », qui étaient directement impliqués dans l’économie du transit. Le projet PAIERA (FFU: 8 millions d’euros) vise directement les conducteurs et les coxeurs (« rabatteurs »)  . Néanmoins jusque fin 2018, seuls 371 des plus de 6.500 « prestataires de services » pour les migrant.es ont reçu une allocation de 1.500 euros chacun pour créer une entreprise.[47]

Trois autres projets FFU s’appliquent à la résilience des populations locales, des réfugié.es et des déplacé.es internes, dans la région orientale de Diffa, sous menace de Boko Haram, et dans la région frontalière avec le Mali. L’enregistrement biométrique de la population de Diffa sera de ce fait également financé. Ces projets soutiennent aussi la volonté d’empêcher la migration secondaire des réfugié.es. Dans un autre projet, le HCR en coopération avec l’OIM, organise l’évacuation de personnes vulnérables des prisons libyennes vers le Niger pour ensuite y faire les procédures d’asile et de réinstallation. Le Niger était le premier pays a donner son accord à ce type de Mécanisme d’Évacuation d’Urgence et de Transit (« Emergency Transit Mechanism »), supposée solution pour les personnes sous protection, retenues en Libye, avec des moyens européens. Jusqu’ici entre fin 2017 et fin 2019, dans ce cadre, seulement quelques 2 900 personnes ont été évacuées au Niger, dont 1 800 ont ensuite été réinstallées.

Les Accords et leurs conséquences

Le fondement de la coopération en matière de migration entre le Niger et l’UE est l’accord de Cotonou en 2000 ainsi que le Processus de Rabat subséquent (2006) et le Sommet de La Valette (2015). En 2016, la Commission Européenne a choisi le Niger comme un des cinq pays africains associés au partenariat sur les migrations, qui promet une coopération privilégiée et une aide financière dans le cadre d’un accord taillé sur mesure. L’UE a célébré les conséquences de cette coopération comme « emblématiques des possibilités dans un pays de transit ». Elle a initié de nombreux changements politiques et institutionnels au Niger.

Au premier rang de ces politiques se trouve jusqu’à présent la lutte contre les migrations irrégulières. D’abord le lancement d’un Plan d’Action européen à court terme a fait avancer la mise en œuvre de la loi anti-passeur 2015-036 existante et du décret contre la traite des êtres humains 2010-86. En septembre 2017, avec la participation d’EUCAP Sahel Niger, une stratégie nationale de sécurité intérieure et son plan d’action ont été votés, ce qui était une des conditions exigées par l’UE pour l’aide budgétaire.[48] En mars 2018 a été ensuite adoptée la « Stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière ». Elle a été rédigée avec l’aide du think tank viennois « Centre International du Développement des Polices des Migrations » (ICMPD).[49] Elle doit permettre une diminution des migrations irrégulières par une meilleure gestion des frontières, une répression renforcée des passeurs, la prévention et la sensibilisation, la protection des victimes et une incitation au retour et à la réintégration des migrant.es. Néanmoins, les partenaires techniques déploraient en mai 2019 que le plan d’action correspondant n’ait pas encore été mis en œuvre concrètement.[50] En octobre 2019 la Politique Nationale des Frontières pour 2019-2035 ainsi que son Plan d’Action ont été adoptés, ce qui était financé par la GIZ Ces projets politiques s’orientent surtout sur un volet répressif et sécuritaire en matière de migrations.

Une politique nationale sur la migration plus largement définie reste par contre encore en cours d’élaboration. Déjà en 2007 le Niger avait créé un Comité interministériel à cette fin, mais cette initiative s’est éteinte avec le temps entre autres faute d’argent.[51] Ici aussi la GIZ soutient la formulation de cette politique migratoire nationale sur les plans technique et financier avec son projet « Appui-conseil en matière de politique migratoire» (2007-2020, 3 millions d’euros venant du ministère fédéral pour la coopération économique et le développement de l’Allemagne). La politique nationale de sécurité et de défense est actuellement élaborée par le Centre National d’Études Stratégiques et de Sécurité (CNESS).

Dans le cadre du projet « Migration Mixte », le HCR s’est davantage axé, à partir de 2007, sur la protection des réfugié.es sur les routes migratoires aujourd’hui en partie bloquées et a renforcé l’accès des réfugié.es aux procédures d’asile et à l’assistance à Agadez et Niamey. Fin 2017 un mémorandum entre le HCR et l’État nigérien a déterminé l’évacuation de demandeurs d’asile et de réfugié.es depuis la Libye vers le Niger (Emergency Transit Mechanism). Ici aussi le Niger est considéré comme une alternative pour la route centrale vers la mer Méditerranée. En 2019 a également débuté la réforme de la loi sur le droit d’asile nigérienne de 1997 sur incitation du HCR.

Accords sur les réadmissions et les expulsions

La situation sur les accords de réadmission avec le Niger est très opaque. Il est connu que le Niger a conclu un accord en 2008 sur les migrations et les réadmissions avec l’Espagne.[52] Il existe un accord de coopération en matière de sécurité avec l’Italie.[53] On suppose que parallèlement existent des accords informels et non-standardisés avec des États européens et/ou l’UE en la matière.[54] Le rapporteur de l’ONU pour les droits des migrant.es critiquait à l’issue de sa visite au Niger en octobre 2018 que les accords manquent de transparence et de responsabilisation, ce qui contrevient aux normes internationales en la matière.[55] Selon des statistiques incomplètes de l’UE, entre 2014 et 2018 75 Nigérien.nes ont été reconduits et 85 ont rejoint des programmes de retour volontaire assisté.[56] La France a effectué la plus grande partie des expulsions, même si les statistiques d’autres pays comme l’Allemagne sont indisponibles. Dans ce cas précis, la politique de retour est moins importante pour l’UE car seul un faible nombre de Nigérien.nes vit en Europe.[57] À peine 6 000 Nigérien.nes par exemple possèdent un titre de séjour dans l’UE, et la majorité d’entre eux vit en France, Italie et Belgique.[58] Toutefois des forces de sécurité européennes se sont plaintes de manière informelle du manque de coopération de l’État nigérien lors d’expulsions hors d’Europe.

En parallèle le Niger a conclu en 2014 un accord de réadmission informel avec l’Algérie, qui autorisait l’Algérie à effectuer 3 000 expulsions de Nigérien.nes. Le consulat du Niger en Algérie vérifie à cette fin les identités de ses ressortissants avant le départ des convois pour le Niger.

Selon les statistiques de la police migratoire nigérienne (DST), en 2018 l’entrée sur le territoire a été refusée à 5 194 personnes (refoulement) et 4 819 ont été reconduites à la frontière. Au regard des quelques 30 postes frontières actuels le long de 5 700 km de frontières, ces dernières sont comparativement poreuses et une entrée irrégulière sur le territoire plus facile à réaliser. Sur le plan individuel, le Niger a pris des mesures illégales d’extradition contre des demandeurs d’asile et des réfugié.es. Le cas le plus célèbre concerne Saadi, le fils de l’ex-président libyen Kadhafi. Dans un premier temps, l’élite politique nigérienne s’est portée garante de son exil. Suite aux pressions politiques croissantes et aux supposés immenses contrats financiers, elle l’a livré en 2014, sans procédure judiciaire, au gouvernement d’union nationale libyen, qui l’a ensuite incarcéré et torturé. De même, trois opposants tchadiens ont été livrés sans procès au Tchad en 2017-18, où ils ont été gardés dans des conditions pénitentiaires extrêmes, qui ont provoqué la mort de l’un des trois détenus. 132 demandeurs d’asile soudanais, qui avaient fui la Libye vers Agadez, ont été expulsés suite à une décision de refoulement de masse irrégulière, en 2018, vers la Libye. Le HCR s’est contenté ici de négociations directes avec les autorités, pour empêcher les expulsions de femmes, d’enfants et de pères de familles et par la suite d’éviter que de telles opérations puissent se renouveler.

Quel rôle jouent les(quelles) ONG ?

Parce que l’OIM domine largement le domaine des migrations, le rôle des ONG au Niger est moins mis en avant. Elles sont engagées fréquemment comme partenaires de la mise en œuvredans le domaine du contrôle des migrations, pour des actions de sensibilisations qui informent les

(potentiel.les) migrant.es sur les risques encourus afin de les dissuader (par exemple le Comitato Internazionale per lo Sviluppo dei Popoli (CISP), Catholic Relief Service). L’ONG nigérienne Jeunesse-Enfance-Migration-Développement (JMED) est également très active dans ce domaine mais s’engage aussi en faveur des droits des migrant.es. Comme toutes les ONG, elle reste cependant financièrement dépendante des bailleurs de fonds souvent européens. Elle a créé avec un financement du projet « Appui-Conseil en matière de politique migratoire » de la GIZ le réseau d’ONG REMIDDH (Réseau Migration-Développement-Droits Humains), dont les activités ne sont néanmoins pas claires.

Plusieurs ONG réalisent du monitoring dans les zones frontières et sur les routes migratoires (Danish Refugee Council, Comité International pour l’Aide d’Urgence et le Développement (CIAUD)). Les ONG humanitaires de dimension mondiale sont surtout actives dans les domaines de l’assistance médicale (Croix Rouge, Médecins Sans Frontières) et du regroupement familial (CICR).

Dans le domaine des migrations de réfugié.es, c’est l’ONG Action Pour le Bien-Être (APBE), à laquelle on attribue une certaine proximité avec la « Première Dame » du Niger, qui s’est transformée en un acteur principal de la gestion des camps et de la sensibilisation et de l’identification de demandeurs d’asile potentiels sur les routes migratoires. L’ONG italienne COOPI-Cooperazione Internazionale s’est fait un réel renom avec ses propositions dans le domaine psycho-social.

Intérêts économiques? Qui profite?

Industrie de l’armement

Les géants européens ou internationaux de l’armement profitent souvent des partenariats sur les politiques de sécurité, en mettant les équipements nécessaires à disposition. Ainsi au cours de l’année 2018, le président du Parlement européen d’alors, Tajani, s’est rendu au Niger avec une délégation d’industriels, qui se composait de représentant.es du fabricant d’armes belge CMI, du groupe français spécialiste de la sécurité Amarante International et du constructeur en biomécanique hongrois ANY Biztonsagi Nyomda. Tajani a présenté au Niger « des opportunités de coopérations dans les domaines de la sécurité, du contrôle aux frontières, de la circulation aérienne, et de l’agriculture par l’UE, EGNOS, les systèmes satellitaires Galileo et Copernicus ». Des listes de contrats de livraison pour EUCAP Sahel Niger se trouvent en ligne. Entre temps les armées américaine et française déploient aussi les drones armés Reaper au Niger.

Biometrie

Dans le domaine de la biométrie, de multiples projets ont émergé au Niger ces dernières années. Leur utilité est en partie douteuse et indique que la biométrie n’est pas seulement un commerce très rentable pour des firmes internationales de la sécurité, mais est aussi un objet de corruption très attrayant. Ceci fut mis en évidence en juillet 2019 lors de l’introduction du permis de conduire biométrique. Les protestations dans les réseaux sociaux sur les coûts exorbitants et le sens de cette modification ont déclenché une enquête de l’agence anti-corruption HALCIA, qui a révélé entre autres une implication de la famille du ministre des Transports dans l’affaire.

L’utilité de l’introduction des cartes d’électeur.trices avant les élections présidentielles en 2020-21 a été tout aussi controversée. L’UE s’est également prononcée contre le financement, tant qu’il n’existerait pas un service d’état civil performant. Lors des dernières élections, seuls quelques 30% des Nigérien.nes ont été en mesure de présenter une pièce d’identité.[59] Pourtant ces cartes seront réalisées par le géant hollandais de la sécurité Gemalto, qui est devenu en 2019 une composante de Thalès, la multinationale française d’armement, pour environ 30,5 millions d’euros. Gemalto a déjà réalisé des projets identiques dans d’autres pays africains.

Depuis 2013, le passeport aussi est biométrique, il est imprimé pour un prix très élevé pour le consommateur local de plus de 50 euros par la société indienne Contec Global, qui réalise des projets analogues dans d’autres pays africains. Un contrat antérieur d’un montant de 53 millions d’euros avec la société libanaise Africard a été annulé en 2012 par le Niger, ce pourquoi le Niger a été condamné en dernier ressort, au terme d’un contentieux acharné devant les instances internationales, à verser environ 8,3 millions d’euros d’indemnisations.

En outre, trois banques de données différentes, liées aux problèmes migratoires sont mises en œuvre au Niger. En cas d’entrée sur le territoire par voie terrestre, les données récoltées sur les postes frontières jusqu’ici faiblement numérisés, sont implémentées dans la banque de données MIDAS de l’OIM, lors de l’entrée par voie aérienne elles sont saisies dans le système américain PISCES, qui est relié à Interpol. S’ajoute la banque de données anti-crime ouest-africaine WAPIS, dirigée par Interpol et financée par le Fonds européen pour le développement, et dont le Niger a été désigné pays pilote lors de son introduction. Le mandat élargi de Frontex, actuellement en cours de discussion, doit permettre son accès aux banques de données ouest-africaines et ainsi entre autres intensifier les expulsions hors d’Europe. Il est donc prévisible que des violations flagrantes de la protection des données relatives aux personnes concernées y soient associées. Ceci implique au préalable de réaliser l’interopérabilité des trois banques de données, avec un financement dispendieux de l’UE.[60] S’y ajoutent également les deux systèmes biométriques « maison » des deux agences de l’ONU – MARS pour l’OIM et ProGres pour le HCR.

Et même si la pluralité des projets renvoie aux immenses investissements et profits des partenaires, l’identification (biométrique) et le contrôle de la population ne vient que de commencer. Actuellement on organise des « audiences foraines », pour améliorer la traçabilité de l’état civil de la population. À la différence des cartes d’électeurs, du permis de conduire et du passeport, la carte d’identité nigérienne reste, pour un certain temps encore, une carte en papier sans date de validité, que les pays ECOWAS, de ce fait, ne reconnaissent souvent pas lors de voyages.

Acteurs étatiques et privés

Affaibli par des menaces internes et externes, le gouvernement nigérien est prêt à coopérer avec l’UE en matière de sécurité.[61] La lutte contre les migrations irrégulières est donc une opportunité pour acquérir, au profit des forces de défense et de sécurité du pays, de nouveaux soutiens matériels et renforcer les revendications de souveraineté sur le territoire. Les aides budgétaires proportionnellement très élevées – entre autres via l’aide budgétaire de la coopération pour le développement de l’UE et le projet AJUSEN du FFU –, les subventions pour la technologie et l‘assistance pour la formation renforcent le gouvernement dans sa démarche sécuritaire. Ces ressources peuvent aussi être employées contre l’opposition, contre la population rurale classifiée terroriste mais aussi contre des réfugié.es qui manifestent. Il semble en revanche que très peu de choses aient été entreprises jusqu’ici contre la corruption des forces de sécurité envers les migrant.es. L’appareil de sécurité du Niger représente donc le grand gagnant du partenariat sur les migrations – et avec lui le ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle Mohamed Bazoum.

Parmi les acteurs non-étatiques, le plus d’argent provenant du FFU revient à l’OIM (387 millions d’euros) et à la coopération pour le développement allemande, française et italienne.[62] Mais des sociétés de sécurité semi-privées comme Civipol et FIIAPP sont de grands profiteurs de la coopération. Civipol est impliqué dans deux projets nationaux au Niger et en tout dans neuf projets FFU pour un volume financier total de plus de 100 millions d’euros – et avec lui ses actionnaires les multinationales de l’armement Thalès, Airbus et Safran. L’espagnole FIIAPP participe à deux projets nigériens et au total à quatre projets FFU pour un volume de 120 millions d’euros.

Et qui sont les perdants ?

Les routes migratoires bloquées ont eu comme conséquence que les migrations vers le Maghreb sont plus dangereuses, plus longues et plus chères. A côté des migrant.es ouest et centre-africains en transit, cela impacte aussi les Nigérien.nes eux-mêmes. Au regard de l’importance de la migration circulaire liée au travail dans le Maghreb pour l’économie du Niger et de l’Afrique de l’Ouest, des pertes économiques considérables viennent frapper des groupes souvent très marginalisés. Pour tous les ressortissants de la communauté d’États Ouest-africains, cela signifie une écorne sensible de leur droit à la libre circulation au Niger et donc une régression de leurs droits et de leur mobilité.

Pour les réfugié.es, cette criminalisation de la migration de transit signifie qu’ils sont susceptibles de devoir demander au Niger ou dans un pays voisin le droit d’asile. Peuvent y être liés des risques d’insécurité, comme en cas d’homosexualité ou de poursuites « genrées », de longues procédures avec de faibles garanties et des espérances de survie très réduites.[63] Pour des communes du Nord du Niger la disparition des migrations de transit signifierait la perte de l’une des rares sources de revenus disponibles. Elle n’a pas été compensée jusqu’ici par des projets de développement ou des revenus alternatifs. Une éventuelle déstabilisation politique du Nord du Niger et du Sahel pourrait en résulter.[64]

En outre au plan politique, il apparaît qu’un partenariat sur les migrations avec le Niger, le « meilleur élève » de l’Europe, lui est certainement plus précieux que d’exprimer publiquement des critiques de comportements autoritaires et de violation des droits de l’homme par la politique et les autorités nigériennes. En 2018, les arrestations de leaders de la société civile lors de manifestations contre la loi budgétaire et l’extradition du journaliste contestataire Baba Alpha n’ont fait l’objet d’aucun commentaire.

Quelle opposition ?

Au début de la mise en œuvre de la loi anti-passeurs 2015-036, pas mal de critiques ont émergé dans la région principalement affectée d’Agadez. Des passeur.euses criminel.les se sont ligué.es en un comité et se sont battu.es pour être indemnisé.es. Avec la consolidation croissante des contrôles des migrations et l’implication des autorités locales dans ce choix politique, cette opposition s’est entre temps paralysée. Des demandeur.euses d’asile ont organisé en 2018 et 2019 à plusieurs reprises des protestations à Agadez et Niamey, surtout pour obtenir un traitement (accéléré) de leur demande d’asile et des procédures de réinstallation, ainsi que l’accès à des solutions durables.

Cependant, ces protestations ont été brisées parfois avec brutalité par la Police. Même dans les centres de transit de l’OIM des protestations ont vu le jour en raison des traitements rudimentaires et parfois, de la longueur des procédures de retour. La société civile nigérienne a, dans l’intervalle, protesté plusieurs fois contre la présence de bases militaires étrangères.

Des réfugié.es et des migrant.es se sont pour certain.es regroupé.es en association de défense de leurs intérêts. En tant qu’organisation, s’expriment sur la politique migratoire surtout Alternative Espaces Citoyen, Loujna Tounkaranké, Alarme Phone Sahara et le prêtre Mauro Armanino qui organisent dans ce but des événements publics. À l’Université Abdou Moumouni a été fondé le groupe de chercheur.euses GERMES (Groupe d’Etudes et de Recherche Migrations, Espaces et Société), qui développe des analyses critiques de la politique migratoire et forme des étudiants.

Statistiques sur la migration (tableau)

Entrées au Niger, 2018 1844661 [167]

Départs du Niger ? 2018 1654101[168]

Expulsions au Niger, 2018 15896 dont 9191 non -Nigérien.nes [169]  

migrant.es intérieures, 2001 (en %) 7,9[170]

Nombre de demandeurs d’asile et de réfugié.es internationaux dans le pays, 10/2019 222869[171]

Réfugié.es nigériens dans le monde 1235[172]

Déplacés internes nigériens, 10/2019 187359[173]

Demandes d’asile dans d’UE 2015-2018 2410[174]

Taux d’Acceptation des demandes d’asile dans l’UE-28 (en % en 2018) 31,5[175]

Expulsions de Nigérien.nes depuis l’UE-25 entre 2014-2018 75[176]

Migrant.es retourné.es par l’OIM hors du Niger en 2018 14977[177]

Nigérien.nes retourné.es par l’OIM au Niger, 05/2017-08/2019 6230[178]

Retours volontaires de Nigérien.nes d’Europe, 2014-2018 85[179]

Incarcération de migrant.es Dans les postes de police[180]

Délit de sortie illégale du territoire -

Sources

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Brachet, Julien (2009): Migrations transsahariennes. Vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger). Bellecombe-en-Bauges: Croquant (Collection Terra).

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Hamadou, Abdoulaye (2018): La gestion des flux migratoires au Niger entre engagements et contraintes. In Revue des droits de l’homme (14), 11.

Jegen, Leonie; Zanker, Franziska (2019): European dominance of migration policy in Niger. „On a fait les filles avant la mère“ . MEDAM Policy Brief 3/2019, 6.

Lambert, Laura (2019): Asyl im Niger – politische Rolle und lokale Adaptionen des Flüchtlingsschutzes. in Konfliktfeld Fluchtmigration. Historische und ethnographische Perspektiven, ed. by Johler, Reingard/Lange, Jan (ed.):. Bielefeld: Transcript, 191-205.

Tinti, Peter; Reitano, Tuesday (2017): Migrant, Refugee, Smuggler, Saviour. London: Hurst & Company

UN Human Rights Council (2019): Visit to the Niger. 16.05.2019. A/HRC/41/38/Add.1.

Notes de bas de page

[167] Direction de la Surveillance du Territoire.

[168]  Direction de la Surveillance du Territoire.

[169]  Direction de la Surveillance du Territoire.

[170]  Dan Dah, Laouali Mahaman (2018): Migration Niger 2017. Version préliminaire. July 2018, 53.

[171]  https://data2.unhcr.org/en/country/ner

[172]  UN Data (2016): Refugees from Niger by country of origin. 2016. data.un.org

[173]  https://data2.unhcr.org/en/country/ner

[174]  Eurostat (2019): Asylum and first time asylum applicants by citizenship, age and sex Annual aggregated data (rounded).

[175]  Eurostat (2019): Final decisions on applications by citizenship, age and sex. Annual data (rounded).

[176]  Eurostat (2019): Third-country nationals who have left the territory by type of return and citizenship.

[177]  http://www.nigermigrationresponse.org/en/Our-work/assisted-voluntary-return

[178]  https://migrationjointinitiative.org/fr

[179]  Eurostat (2019): Third-country nationals who have left the territory by type of return and citizenship.

[180]  Global detention project (2019): Country report. Immigrant detention in Niger. Expanding the EU-financed zone of suffering through ‚penal humanitarianism’. March 2019.

Footnotes

  1. Boyer/Chappart, Pascaline (2018): Les frontières européennes au Niger. Vacarme 83, 98.

  2. Tinti, Peter; Reitano, Tuesday (2017): Migrant, Refugee, Smuggler, Saviour. London: Hurst & Company, 180.

  3. Jeune Afrique (2019): https://www.jeuneafrique.com/424251/politique/niger-president-issoufou-assure-quil-ne-briguera-de-troisieme-mandat/ Jeune Afrique (2018: Dix choses à savoir sur Mohamed Bazoum, le ministre de l’Intérieur. https://www.jeuneafrique.com/mag/622894/politique/niger-dix-choses-a-savoir-sur-mohamed-bazoum-le-ministre-de-linterieur/

  4. Vgl. Philippe M. Frowd (2019): Producing the ‘transit’ migration state: international security intervention in Niger, Third World Quarterly. Ahead of Print.

  5. Boyer, Florence; Mounkaila, Harouna (2018): Européanisation des politiques migratoires au Sahel. Le Niger dans l’imbroglio sécuritaire. In Emmanuel Grégoire, Jean-François Kobiané, Marie-France Lange (Eds.): L’État réhabilité en Afrique. Réinventer les politiques publiques à l’ère néolibérale. Paris: Karthala (Hommes et sociétés), pp. 267–285.

  6. Boyer, Florence; Mounkaila, Harouna (2018): Européanisation des politiques migratoires au Sahel. Le Niger dans l’imbroglio sécuritaire. In Emmanuel Grégoire, Jean-François Kobiané, Marie-France Lange (Eds.): L’État réhabilité en Afrique. Réinventer les politiques publiques à l’ère néolibérale. Paris: Karthala (Hommes et sociétés), pp. 267–285. Boyer, Florence (2019): Sécurité, développement, protection. Le triptyque de l’externalisation des politiques migratoires au Niger. Hérodote 172, 184.

  7. Brachet, Julien (2009): Migrations transsahariennes. Vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger). Bellecombe-en-Bauges: Croquant (Collection Terra), 25-49. Boyer, Florence; Mounkaila, Harouna (2018): Européanisation des politiques migratoires au Sahel. Le Niger dans l’imbroglio sécuritaire. In Emmanuel Grégoire, Jean-François Kobiané, Marie-France Lange (Eds.): L’État réhabilité en Afrique. Réinventer les politiques publiques à l’ère néolibérale. Paris: Karthala (Hommes et sociétés), pp. 267–285.

  8. Molenaar, Fransje; El Kamouni-Janssen, Floor (2017): Turning the tide. The politics of irregular migration in the Sahel and Libya. Clingendael Institute, 2.

  9. Alternative Espaces Citoyens (2017): Mata masu tafiya. Les femmes prennent la route. Film.

  10. Interviews Zinder, 04/2019.

  11. Dan Dah, Laouali Mahaman (2018): Migration Niger 2017. Version préliminaire. July 2018, 53.

  12. Boyer, Florence; Mounkaila, Harouna (2018): Européanisation des politiques migratoires au Sahel. Le Niger dans l’imbroglio sécuritaire. In Emmanuel Grégoire, Jean-François Kobiané, Marie-France Lange (Eds.): L’État réhabilité en Afrique. Réinventer les politiques publiques à l’ère néolibérale. Paris: Karthala (Hommes et sociétés), pp.267–285.

  13. UN Human Rights Council (2019): Visit to the Niger. 16.05.2019. A/HRC/41/38/Add.1.

  14. UN Rapporteur (2018): Déclaration de fin de mission du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrant.es, Felipe González Morales, lors de sa visite au Niger. 08.10.2018.

  15. Directeur Adjoint de la Surveillance du Territoire, Niamey, 28.01.2019.

  16. Lambert, Laura (2019): Asyl im Niger – politische Rolle und lokale Adaptionen des Flüchtlingsschutzes. in Konfliktfeld Fluchtmigration. Historische und ethnographische Perspektiven, ed. by Johler, Reingard/Lange, Jan (ed.). Bielefeld: Transcript, 191-205, 108.

  17. Boyer, Florence; Mounkaila, Harouna (2018): Européanisation des politiques migratoires au Sahel. Le Niger dans l’imbroglio sécuritaire. In Emmanuel Grégoire, Jean-François Kobiané, Marie-France Lange (Eds.): L’État réhabilité en Afrique. Réinventer les politiques publiques à l’ère néolibérale. Paris: Karthala (Hommes et sociétés), pp.267–285.

  18. IOM (2019): Return and reintegration key highlights 2018.

  19. UN Human Rights Council (2019): Visit to the Niger. 16.05.2019. A/HRC/41/38/Add.1.

  20. Statistiken präsentiert im Cadre de Concertation sur la Migration, 12.06.2019.

  21. IOM (2019) Statistical Summary of Returns from Algeria. http://www.nigermigrationresponse.org/sites/default/files/IOM%20Niger%20-%20Statistical%20summary%20of%20convoys%20of%20Algeria%20-%20Dashboard%20-%20EN%20-%202019%2002%2004.pdf. Le Monde, 13.01.2019: Les migrantes saisonnières, fragiles victimes des refoulements d’Algérie. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/13/les-migrantes-saisonnieres-fragiles-victimes-des-refoulements-d-algerie_5408535_3212.html.

  22. IOM (2019) Statistical Summary of Returns from Algeria. http://www.nigermigrationresponse.org/sites/default/files/IOM%20Niger%20-%20Statistical%20summary%20of%20convoys%20of%20Algeria%20-%20Dashboard%20-%20EN%20-%202019%2002%2004.pdf .Le Monde, 13.01.2019: Les migrantes saisonnières, fragiles victimes des refoulements d’Algérie. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/13/les-migrantes-saisonnieres-fragiles-victimes-des-refoulements-d-algerie_5408535_3212.html.

  23. CONCORD (2018): Partnership or conditionality? Monitoring the Migration Compacts and EU Trust Fund for Africa, 23.

  24. cf. Philippe M. Frowd (2019): Producing the ‘transit’ migration state: international security intervention in Niger, Third World Quarterly. Ahead of print.

  25. CONCORD (2018): Partnership or conditionality? Monitoring the Migration Compacts and EU Trust Fund for Africa, 24.

  26. Dan Dah, Laouali Mahaman (2018): Migration Niger 2017. Version préliminaire. July 2018, 26.

  27. Boyer/Chappart (2018): Les frontières européennes au Niger. Vacarme 83, 98.

  28. Dan Dah, Laouali Mahaman(2018) : Migration Niger 2017, Version preliminaire,juillet 2018, 26. Abdelkader/Zangaou(2012) : Wahaya. Esclavage domestique et sexuel au Niger. Association Timidria.

  29. https://www.niameysoir.com/communique-de-presse-la-chanceliere-allemande-angela-merkel-en-visite-a-eucap-sahel-niger/ cf. Boyer/Chappart (2018): Les frontières européennes au Niger. Vacarme 83, 96.

  30. https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-sah-ne-05.pdf. Vgl. Boyer/Chappart 2018: 96.

  31. https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-sah-ne-05.pdf. Vgl. Boyer/Chappart 2018: 96.

  32. CONCORD (2018): Partnership or conditionality? Monitoring the Migration Compacts and EU Trust Fund for Africa.

  33. https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-sah-ne-06_-_avenant_2_-_clean.pdf, 10.

  34. Akkerman, Mark (2018): Expanding the Fortress. The Policies, the Profiteers and the People Shaped by EU’s Border Externalisation Programme. Transnational Institute; Stop Wapenhandel. Amsterdam, 4.

  35. https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-sah-ne-06.pdf, 24.

  36. Boyer, Florence (2019): Sécurité, développement, protection. Le triptyque de l’externalisation des politiques migratoires au Niger. Hérodote 172-174.

  37. Présentation par OIM lors de la conférence “La coopération transfrontalière et le renforcement des systèmes de surveillance sanitaire le long de la route méditerranéenne”. Niamey, 28.01.2019.

  38. Ambassadeur d’Allemagne lors Cadre de Concertation sur la Migration. Niamey, 12.06.2019.

  39. https://privacyinternational.org/sites/default/files/2019-09/20190607%20CMCF%20Factsheet%20FR%281%29.pdf, https://www.niameysoir.com/communique-de-presse-la-chanceliere-allemande-angela-merkel-en-visite-a-eucap-sahel-niger/ EUCAP Sahel Niger, 18.03.2019, unter https://eeas.europa.eu/csdp-missions-operations/eucap-sahel-niger/60268/compagnie-mobile-pour-la-gestion-int%C3%A9gr%C3%A9e-de-fronti%C3%A8res_en.

  40. Bundestag (2018): DS 19/2594.

  41. Akkerman, Mark (2018): Expanding the Fortress. The Policies, the Profiteers and the People Shaped by EU’s Border Externalisation Programme. Transnational Institute; Stop Wapenhandel. Amsterdam, 68.

  42. https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/central_med_route-rev.pdf et en plus https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/3/2018/EN/C-2018-6822-F1-EN-ANNEX-2-PART-1.PD.

  43. https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-sah-ne-01.pdf et en plus https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-sah-ne-07-_migration.pdf

  44. Pour un aperçu, voir Dan Dah, Laouali Mahaman (2018): Migration Niger 2017. Version préliminaire. July 2018.

  45. Boyer, Florence (2019): Sécurité, développement, protection. Le triptyque de l’externalisation des politiques migratoires au Niger. Hérodote 172, 183.

  46. Présentation du maire d’Agadez lors de la réunion préparatoire du Cadre de Concertation sur la Migration. Niamey, 30.05.2019.

  47. HACP(2018): Résultats Phase Pilote Plan de reconversion.

  48. https://issat.dcaf.ch/download/124574/2539953,

    https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_15/SR_SAHEL_FR.pdf.

  49. https://www.mieux-initiative.eu/fr/actions/95-niger-irregular-migration cf. Jegen, Leonie/Zanker, Franziska (2019): European dominance of migration policy in Niger. „On a fait les filles avant la mère“. MEDAM Policy Brief 3/2019, 6.

  50. Rapport de la réunion préparatoire du Cadre de Concertation sur la Migration. Niamey, 31.05.2019.

  51. Jegen, Leonie/Zanker, Franziska (2019): European dominance of migration policy in Niger. „On a fait les filles avant la mère“ . MEDAM Policy Brief 3/2019, 6.

  52. Acuerdo marco de cooperación en materia de inmigración entre el reino de España y la república de Níger. 03.07.2008.

  53. Global detention project (2019): Country report. Immigrant detention in Niger. Expanding the EU-financed zone of suffering through ‚penal humanitarianism’. March 2019, 20.

  54. Hamadou, Abdoulaye (2018): La gestion des flux migratoires au Niger entre engagements et contraintes. In Revue des droits de l’homme (14), 11.

  55. UN Human Rights Council (2019): Visit to the Niger. 16.05.2019. A/HRC/41/38/Add.1., 4

  56. Eurostat (2019): Third-country nationals who have left the territory by type of return and citizenship.

  57. Kipp, David (2018): From exception to rule – the EU Trust fund for Africa. SWP Research Paper 13. December 2018, 20.

  58. Eurostat (2019): All valid permits by reason, length of validity and citizenship on 31 December of each year.

  59. Interview Direction de l’état civil, Niamey, 23.07.2019.

  60. Cadre de Concertation sur la Migration. Niamey, 12.06.2019.

  61. Kipp, David (2018): From exception to rule – the EU Trust fund for Africa. SWP Research Paper 13. December 2018, 20.

  62. Kipp, David (2018): From exception to rule – the EU Trust fund for Africa. SWP Research Paper 13. December 2018, 15.

  63. cf. Lambert, Laura (2019): Asyl im Niger – politische Rolle und lokale Adaptionen des Flüchtlingsschutzes. in Konfliktfeld Fluchtmigration. Historische und ethnographische Perspektiven, ed. by Johler, Reingard/Lange, Jan (ed.):. Bielefeld: Transcript, 191-205.

  64. Tinti, Peter; Reitano, Tuesday (2017): Migrant, Refugee, Smuggler, Saviour. London: Hurst & Company.

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