Alarme Phone Sahara – Présentation
Publié janvier 22nd, 2021
Alarme Phone Sahara est un projet coopératif entre des initiatives et des individus de la zone du Sahel-Sahara et de l’Europe. Ce projet a été monté dans le but de protéger la vie et la liberté de circulation des migrant.es et réfugié.es contre les politiques migratoires répressives et souvent mortelles. Les activistes du réseau Alarme Phone Sahara vivent au Niger, au Mali, au Burkina Faso, au Togo, au Maroc, en Allemagne et en Autriche. Le bureau de l’Alarme Phone Sahara se trouvent à Agadez, au Niger, qui est un point crucial des mouvements migratoires entre le Sahel et le Sahara. Il existe dans cette région également tout un réseau d’observateur.trices, rendant compte de la situation des migrant.es dans de petits villages du désert saharien et essayant de soutenir ceux.celles-ci. Alarme Phone Sahara respecte la décision des gens dans leur désir d’émigrer ou non et essaie de leur fournir des informations fiables.
Afin de venir en aide aux personnes en détresse dans le désert, Alarme Phone Sahara bénéficie d’un numéro de téléphone et d’une structure de dénonciation dans la région d’Agadez. En cas d’urgence, Alarme Phone Sahara mobilise en fonction des effectifs et des disponibilités une personne à proximité de l’endroit où le soutien est nécessaire. Si nécessaire, le projet contacte les services de secours officiels.
Les objectifs de Alarme Phone Sahara
- Sensibilisation des migrant.es et des candidat.es à l’émigration aux risques du voyage dans le désert et aux stratégies de renforcement de leur sécurité
- Sensibilisation des migrant.es et candidat.es à l’émigration à leurs droits
- Documentation et visualisation de ce qui se passe réellement sur les routes migratoires de la région du Sahel-Sahara, y compris les crimes, les violations des droits de l’homme ainsi que les chicanes des forces de l’ordre, dont souffrent les migrant.es
- Sauvetage des migrant.es en difficulté dans le désert
- Condamnation des directives politiques régionales, nationales et internationales qui mettent en danger la vie des migrant.es et qui tentent d’enfreindre à la libre circulation
- Activités sociales à bas seuil pour les migrant.es à Agadez
Les frontières de l’Europe à Agadez
Le Niger s’est muté ces dernières années en soldat de la frontière européenne. L’Alarme Phone Sahara s’engage particulièrement pour les droits des expulsé.es venant d’Algérie comme de manière générale pour le droit de libre circulation.
Expulsions hors de l’Algérie
Toutes les semaines, des centaines de réfugié.es de différentes origines sont expulsé.es de l’Algérie vers la frontière nigérienne : c’est ce qu’on appelle le « Point Zéro ». Les expulsé.es sont en majorité amené.es par des convois de poids-lourds à proximité du point de passage frontalier en Niger, accompagnés par des agents de la police des frontières algérienne. De là, après des expériences souvent traumatisantes, les déporté.es sont contraint.es de marcher 15 à 20 kilomètres à travers le désert jusqu’à la ville frontalière nigérienne d’Assamaka, sans eau, sans nourriture et sans soutien.
Selon les informations disponibles, les autorités nigériennes et l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM) cherchent, bien que sporadiquement et pour une courte durée, les personnes égarées ou épuisées dans la région frontalière entre l’Algérie et le Niger. L’Alarme Phone Sahara travaille actuellement à l’établissement d’un centre permanent afin de fournir un approvisionnement immédiat en eau, en premiers secours, en nourriture de base et en protection contre le soleil. En outre, une jeep recherchera régulièrement les personnes perdues ou épuisées dans le désert. Parmi eux, on trouve de nombreuses personnes affaiblies, malades ou même enceintes.
Les statistiques de notre observateur à Assamaka renforcent l’urgence décrite. Du 23 Septembre jusqu’au 20 Octobre 2019 seulement, 3 231 personnes ont été expulsées hors d’Algérie vers Assamaka. Parmi ces personnes, 754 sont d’origine nigérienne, 1 829 personnes sont issues d’autres pays du continent africain, pour les 648 personnes restantes, l’origine demeure inconnue. On retrouve parmi toutes ces personnes au moins 63 femmes ainsi que 159 mineur.es (82 filles et 77 garçons).
Expulsions hors de l’Algérie dans un cadre international
L’Algérie n’est pas débutante en ce qui concerne l’organisation et l’exécution d’expulsions de masse. Déjà en 2014, le pays négociait un traité avec le Niger prévoyant l’expulsion de 3 000 nigérien.nes hors du territoire algérien. Comme beaucoup de pays du Maghreb, l’Algérie est une destination importante pour les travailleur.euses saisonnier.ères venant du Sahel. En dépit des efforts diplomatiques, l’Algérie n’a pas encore été convaincue d’arrêter les expulsions qui pourtant posent un problème de par l’irrespect du droit international et des droits de l’homme. D’une part, l’Algérie poursuit ses propres intérêts en menant cette politique migratoire dure et impitoyable et satisfaisant ainsi l’idéologie raciste répandue au sein de la société. D’autre part, l’Algérie souhaite se positionner comme partenaire fiable aux yeux des pays européens, pouvant assurer la gestion des frontières. Le pays maghrébin n’est pas directement lié à l’Union Européenne par des accords officiels mais est néanmoins bénéficiaire d’une large quantité d’armement militaire et de matériel de sécurité comme de nouveau système de surveillance ou bien des véhicules fabriqués entre autres par le constructeur automobile allemand Mercedes-Benz.
Non à la tragédie persistante des déportations de l'Algérie vers le Niger
Il est indéniable que les expulsions de personnes de l’Algérie vers le Niger sont des perpétuelles violations des droits de l’homme contre les migrant.es et réfugié.es. C’est une tragédie qui mène vers la mort, la maladie et le traumatisme, une tragédie dont profite l’Europe. Chaque expulsion représente aux yeux de l’Europe un.e migrant.e en moins traversant la Méditerranée. L’Alarme Phone Sahara dénonce les véritables chasses aux migrant.es conduites en Algérie et d’autres pays du Maghreb dans un contexte de transfert des frontières extérieures de l’Union Européenne et d’accords en matière de migration entre certains pays de l’Union Européenne et États africains. Ainsi, l’APS appelle la société civile des pays concernés à se mobiliser et à se défendre contre les expulsions et rapatriements et à protéger la vie, les droits et libertés des réfugié.es et migrant.es.
L’Alarme Phone Sahara exige notamment des autorités gouvernementales et des hémicycles des pays touchés par ces évènements comme la Guinée ou le Mali à s’engager pour leurs citoyen.nes et à se positionner clairement contre les expulsions de masse de l’Algérie.
Attente au Niger à cause du mur frontalier au Nord
Depuis 2018/2019, un nombre grandissant de migrant.es manifestent au Niger contre le manque de protection, de sécurité et d’approvisionnement. Ils.elles demandent une réinstallation. Tous.tes ont soit échappé.es à l’enfer libyen soit été évacué.es des prisons libyennes par le HCR. Il s’agit d'un cycle constant de protestation et de répression, dont le cas récent du camp incendié à Agadez en janvier 2020 n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le combat des migrant.es au Niger est une réponse pragmatique envers la politique migratoire européenne à sa logique de transfert de responsabilité pour le sort des personnes en fuite.
La politique migratoire et d’asile de l’Union Européenne instaure donc des systèmes de camps répressifs avec une protection et des soins inadéquats partout à sa périphérie et bien au-delà. Partout les voix des personnes concernées s’élèvent : elles se battent et manifestent pour leurs droits.
Mobilisations des migrant.es à Niamey
Le 5 Mars 2019, des réfugié.es somalien.nes, éthiopien.nes et érythréen.nes ayant été évacué.es par le HCR de la Libye ont manifesté à la capitale du Niger, à Niamey. Ceux et celles-ci se sont vu.es bloqué.es au Niger malgré les promesses de réinstallation du HCR et ont manifesté.es contre la manière dont leur demande d’asile a été traitée par le HCR ainsi que par le gouvernement nigérien. Les manifestations ont violemment été dissoutes avec du gaz lacrymogène par les autorités nigériennes.
Manifestations des réfugié.es du camp près de Niamey
Le 20 Juin 2019, journée internationale pour les réfugié.es et les migrant.es, de nombreux.euses réfugié.es évacué.es ont profité des festivités organisées par les autorités et le HCR pour manifester. Ils.elles dénoncèrent les conditions de vie insupportables décriant le manque d’eau potable, de nourriture, de médicaments mais surtout le manque de soins contre la maladie de la Malaria, largement répandue dans cette région.
Marche de protestation des réfugié.es mineur.es dans le désert
Des mineur.es soudanais.ses du camp de réfugié.es d’Agadez, géré par le HCR, ont quitté celui-ci le 18 Juin 2019 afin de marcher vers la Libye en traversant le désert. Avant de partir pour la Lybie, les mineur.es entamèrent les manifestations à travers les rues principales d’Agadez. Ils.elles ont critiqué la stagnation des demandes d’asile ainsi que les promesses de solutions non-tenues par le HCR. Le même jour, les manifestations ont brutalement été réprimées par la police d’Agadez, rapatriant les mineur.es dans le camp. Certains d’entre eux.elles ont pourtant été transférés à l’hôpital vu leur état instable suite aux coups des policiers.
Niamey : Sit-in des réfugié.es devant le siège du HCR
Le 13 Novembre 2019 a commencé devant le siège du HCR un sit-in organisé par les réfugié.es et migrant.es soudanais.ses à Niamey. Ils.elles possédaient déjà le statut de migrant.es dans d’autres pays comme le Tchad ou l’Égypte tandis que leurs demandes d’acquisition du statut de migrant.es auprès des autorités nigériennes n’avançaient pas depuis deux ans. Ils.elles ont demandé une solution telle que la réinstallation dans un pays tiers sûr. Sinon, ils voulaient être renvoyés à la frontière libyenne. En effet, depuis la dernière manifestation d’alors,il y a plus de six mois, les manifestant.es n’ont vu aucun progrès ou solution à leurs revendications.
Les réfugié.es quittent leur camp, début d’un sit-in devant le siège du HCR à Agadez
Presque 1000 personnes – pour la plupart d’origine soudanaise – ont tenté un sit-in devant le siège du HCR le 16 Décembre 2019 à Agadez pour principalement dénoncer les conditions de vie difficiles dans les camps dirigés par l’association des Nations Unies. En outre, ils voulaient faire entendre qu’il ne voyait aucun changement dans leur demande d’asile et aucun progrès ou esquisse de solution de la part de l’organisation et du gouvernement pour faire face aux problèmes des migrant.es. Leurs demandes d’asile n’avançaient guère au-delà des administrations locales nigériennes et les conditions de vie dans les camps étaient très précaires, dans un pays lui-même parmi les plus pauvres économiquement au monde. En réaction aux manifestations et pour éviter les débordements, le HCR avait à chaque fois promis d’améliorer les conditions dans les camps. Chaque fois des promesses vaines, dont la réalisation tarde.
Agadez : après de longues manifestations sans réponse, le camp du HCR incendié par des réfugié.es
Le 4 Janvier 2020, la police a violemment mis fin à la manifestation des migrant.es soudanais.es à Agadez et a renvoyé les personnes dans le camp du HCR. Ce n’est qu’après cet acte de répression contre leur manifestation pacifique et les précédentes que les réfugiés ont mis le feu au camp par nécessité et désespoir. La majorité des personnes présentes dans ces camps sont des réfugié.es de longue date, parfois depuis le début de la guerre du Darfour, qui n’ont pas obtenu la sécurité espérée et qui ont une nouvelle fois été exposé.es aux violences en Libye. Le procureur d’Agadez a alors accusé 335 réfugié.es de vandalisme qui ont ensuite été arrêté.es et incarcéré.es. Jusqu'à aujourd'hui (fin mars 2020), nous ne savons pas si les personnes accusées ont retrouvé la liberté : le contact n’a pas pu être maintenu, la police ayant confisqué leurs téléphones portables.
Contexte de l’accumulation de manifestations
Toutes ces manifestations sont une réponse des personnes concernées par cette crise, désespérées devant cette situation touchant toujours plus de migrant.es et réfugié.es. Des personnes poursuivies dans leur pays, fuyant la guerre comme en Somalie, au Soudan ou en Erythrée, ayant survécu à la captivité libyenne et qui attendent désespérément au Niger que la voie vers un pays sûr leur soit ouverte.
Cette situation se replace facilement dans un contexte politique où les pays de l’Union Européenne tentent de ralentir la progression de migrant.es et réfugié.es vers le Maghreb et vers l’Europe en instaurant et finançant dans des pays comme le Niger un droit d’asile de seconde classe par le biais du HCR. Le Niger peut donc servir d’exemple phare pour montrer comment l’Union Européenne transfère son système et sa politique d’asile vers l’extérieur. Le pays africain reçoit ainsi de larges sommes d’argent de la part des États-Membres de l’Union Européenne principalement pour le contrôle de la migration et la protection des migrant.es et réfugié.es.
Il devient donc de plus en plus important de ne pas fermer les yeux devant le destin des personnes réfugiées au Niger, bloquées par cette politique d’externalisation de la politique de migration et du système d’asile.
Par solidarité avec les migrant.es manifestant au Niger, l’Alarme Phone Sahara appelle le HCR, les autorités locales mais aussi les pays de l’Union Européenne à trouver des solutions sérieuses et réalisables aux revendications des réfugié.es comme par exemple le transfert vers un pays sûr. Des passages et routes migratoires doivent être garanties !